Pour son numéro estival, Cerises la coopérative vous propose de prendre de l’altitude. Oh, dans ce dossier, pas d’exotisme, ni de grands airs. On n’y parle pas descentes en ski, étoiles, treks ou performance. Respect quand même, mais ce n’est pas notre propos. On cherche ici un bol de pensées. De l’air simplement pour nos neurones, de l’oxygène pour nos espoirs embrumés entre bavures policières et mobilisations quotidiennes.
Pas de cartes postales bien lissées, des photographies pour sentir ce vent-là.
Mais du vivant ! De celles et ceux qui vivent « à la montagne ». Qui vont y travailler. Qui la défendant, l’aiment et y accueillent. Qui la respectent.
La montagne n’est pas une chaîne plantée au milieu – ou aux confins – de notre géographie. Serait-elle un antidote à la Ville. Un havre de paix ?
Mais est-il nécessaire d’opposer l’un à l’autre ?
Beaucoup d’éléments dans ce dossier donnent l’ampleur du vivant, dans bien des dimensions. Et il en manque. Du théâtre en déambule et tant d’initiatives culturelles dans des vallées, des places de marché vivantes au cœur du village, des centres de vacances de collectivités publiques ou d’entreprises. On pensera à Ferrat ou à Michel Bühler. A Giovanna Marini. Aux veillées que certains.es d’entre nous ont pu connaître. On se rappellera avant une course dans la Meige ou les Écrins ces fins de journée en refuge. Un autre monde ? Ou un vecteur de nos parcours de vies partagées.
Ouvrons ce dossier, donc ; ce n’est qu’un début continuons la rando !
Prendre de l’altitude ?
Ce dossier de Cerises La Coopérative a un air de grande randonnée de montagne. Il grimpe ; il tourne. Mais il a du sens. Une façon de prendre de l’altitude.
Les territoires de montagne en France sont aux premières loges du changement climatique. Les stations de ski sont l’une des industries obligées de s’adapter rapidement à l’évolution très rapide des conditions météorologiques. Habitant-e-s, élu-e-s locaux-cales et saisonnier-ères s’organisent pour bifurquer. Ils y vivent. Gérard Loeuillette nous dit son exil en montagne, sa forme de « réussite ». Jean-Paul Leroux a ses Alpes au cœur quand Francis Morin nous emmène du Grand Paris au Grand Genève.
Les montagnes sont des terres agricoles mais alors que partout en France la taille des exploitations laisse place à l’arrivée des multinationales, ici, plus qu’ailleurs, les conditions géographiques ont permis le maintien de fermes paysannes et l’apparition de projets innovants, écologiques et inspirants. Dans le beaufortain, GDB nous dit ces enjeux. Et Raphaël Saint-Germain nous conte l’art d’y être vigneron. Les loups et autres grands carnivores y sont chez eux, mais le débat fait rage sur leur nuisibilité. Farid Benhamou éclaire ce problème.
Les massifs alpins sont aussi le lieu où se nouent les enjeux de migrations. Ici cohabitent la fermeture brutale des frontières au sein de l’espace Schengen et un mouvement d’hospitalité inédit. Les collectifs citoyens y sont une chance, nous montre Frédi Meignan. Faire autrement, en montagne aussi.
Le tourisme porte des aspirations diverses : retrouver la nature et les grands espaces et la surconsommation des stations. Des contradictions entre cultures et représentations s’affrontent ; quels regards portent des urbains sur les ruraux, des montagnards sur les migrants ? … Pour l’Association Promotion et Culture du Voyage, le tourisme peut être solidaire, social, respectueux. Présentation de Rahim Rezigat. A quoi répond d’une certaine façon le pyrénéen Renaud de Belfon. Un autre virage en pente !
Quant à Pierre Zarka, à défaut de grimper aux rideaux de la rédaction, il a grimpé sa montagne. Le déjà là est dans l’effort… Cédric Szabo sillonne de village en commune rurale : un vrai ruissellement !
La montagne est aussi du travail. Du « social » des saisons. Jean Troccaz nous dit l’aberration du Lyon-Turin, ce trou dans la montagne qui perce aussi notre écologie. Perrine Augrit nous indique sa quête entre autogestion et patronat, à faire les saisons, quand le pâtre Solidaire Ramon Perez promeut l’organisation. Un syndicalisme qu’illustre Anne-Line Hudault pour Sud Neige 73…
Au détour d’un nouveau virage le langage sifflé nous arrive aux oreilles, auxquelles Alexandra Pichardie et Daniel Rome ont été particulièrement attentifs.
Alors que le 20ème siècle a couronné l’espace de l’urbanité comme celui d’une civilisation de la liberté et de l’émancipation face aux carcans de l’église, de la famille et des traditions, le monde rural montagnard est aujourd’hui un espace étonnant où la solidarité communautaire et l’implication citoyenne ne sont pas de vains mots… et si le 21ème siècle était celui de la réinvention d’un lien de proximité entre les humains, et avec le vivant.
Dans Cerises La Coopérative, chacune de vos réactions sera la bienvenue. Passons le col, s’ouvre le paysage !
L’équipe de rédaction
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