Entre le Béarn et les Hautes Pyrénées, dans la vallée d’Ossau, pas très loin du col de l’Aubisque, on peut prendre le temps d’écouter la nature, les animaux mais aussi entendre de drôles de sifflements. S’agit-il d’oiseaux qui chantent et se répondent d’un versant à l’autre de la montagne ?
Il existe environ 7000 langues parlées dans le monde. On connaît également le Braille, langue écrite des non-voyants et la langue des signes utilisée par les sourds et malentendants – classée au patrimoine de l’Unesco en 2003, elle est aussi considérée comme langue « en danger » depuis 2011. Mais on connaît moins la langue sifflée, classée en 2009 au patrimoine immatériel de l’Humanité par l’Unesco et utilisée depuis des siècles dans les zones montagneuses. Techniquement, on ne peut parler d’une langue sifflée unique : il s’agit d’une extension de la langue locale. Ainsi, dans le petit village d’Aas, dans les Pyrénées Atlantiques, depuis des centaines d’années, on communique en sifflant. On peut également suivre des cours à l’école, comme on apprend ailleurs l’Occitan ou le Breton. A Pau, le Béarnais sifflé est enseigné à l’université.
C’est un langage courant pour les bergers qui vivent plusieurs mois dans les estives. Il permet d’annoncer sur de grandes distances un danger, une bonne nouvelle ou encore de lancer un appel à l’aide. Modulé sur une bande de fréquence plus limitée que la voix, le son se déforme moins et porte plus loin – jusqu’à plusieurs kilomètres, en zone dégagée.
Comme le dit un journaliste de la Dépêche du Midi : « Dans ce monde bruyant, il faut s’arrêter un instant et imaginer l’ambiance. Nous sommes en haute vallée d’Ossau, pas très loin des Eaux Bonnes… En face, à plus de 2500m, culmine le Pic du Ger et en contrebas le village de Laruns. Au temps des siffleurs, le seul bruit qu’on pouvait entendre était ceux du bétail, cloches comprises. Dans ce monde du silence, le sifflet se diffuse encore mieux. « Les habitants sifflaient de l’occitan, un système de transposition de la langue parlée en sifflant : les voyelles sont sifflées et les consonnes parlées », conclut l’universitaire Guy Busnel qui souligne que l’apprentissage est à la portée de tous…à condition de savoir siffler. ».
Cette langue sifflée n’est pas exclusive aux vallées pyrénéennes. On en retrouve des versions spécifiques aux Iles Canaries, au Mexique, en Sibérie, en Grèce ou en Turquie. L’origine en reste un mystère.
A l’heure où la communication par téléphone cellulaire est impossible car beaucoup de zones de montagnes sont des zones blanches, la langue sifflée se révèle un outil très performant pour les habitants des régions très montagneuses. L’avenir nous viendra peut-être de moyens de communication millénaires.
Daniel Rome et Alexandra Pichardie
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