Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

La montagne : rebelle conservatrice ?

Loin des Alpes, les Pyrénées… Durant le XIXe siècle, à partir des temps révolutionnaires, elles se montrent comme un espace en rébellion, tout au moins en dissidence. Qui n’a pas en tête la mythique « Guerre des Demoiselles » que faucheurs d’OGM comme activistes anti-ours se plaisent parfois à rappeler. Un signe de résistance certes, mais pour quel monde social et politique ?

Les sociétés pyrénéennes à l’orée du XIXe siècle, comme bien des sociétés rurales, se retrouvent face à des changements politiques qui remettent en cause les institutions politiques, tant celles de l’État que celles des vallées et communautés villageoises ou paroissiales. Dans cet espace « surpeuplé », ils  s’accompagnent d’importantes crises économiques et alimentaires jusqu’au milieu du siècle. Avec la Révolution et les régimes qui lui succèdent, cette société où existent d’importants droits collectifs sur les espaces forestiers et pastoraux notamment, des règles successorales qui favorisent, à travers l’aîné (parfois l’aînée) la Maison, voient leurs us et coutumes mis à mal. De mille façons, depuis les comportements privés qui, par exemple se traduisent par un fort taux d’illégitimité, jusqu’à des rébellions qui nécessitent l’envoi de troupes par le pouvoir, les Pyrénées sont « une société en dissidence » selon Jean-François Soulet. Parmi les symptômes les plus visibles, le refus de la conscription qui restera fort en Pays Basque (Ipparalde) jusque dans la première guerre mondiale. Pour autant, comme le montrait fort bien Michel Auvray en son temps, ces refus ne sont pas l’expression d’un pacifisme ni même d’un antimilitarisme, elles reflètent surtout un éloignement avec l’appartenance nationale qui ne justifie pas de risquer sa vie comme on pourrait le faire pour la défense de son espace quotidien.

Certes lors de la Guerre des Demoiselles (1829-30) en Couserans et en Haute-Ariège, les rebelles peuvent s’en prendre aux maîtres de forges tout autant qu’aux agents forestiers, pour la défense de leurs droits d’usages collectifs sur les espaces forestiers et pastoraux. Ces « communs », comme nous pourrions les appeler, ne sont pas pour autant le signe d’une société égalitaire et solidaire,. Il ne faut pas oublier que leur accès est souvent lié et proportionnel, à l’exception de quelques « droits » de glanages, à la propriété des Maisons, bonnes et moins bonnes.

Si on relit bien ces nombreuses résistances populaires à la mise en place trop souvent autoritaire des règles républicaines, on ne peut pas faire l’économie de leur dynamique conservatrice. Les derniers soubresauts de cette « dissidence » ne sont-ils pas les résistances à l’inventaire des biens de l’Église, où le hameau de Cominac s’illustre en défendant l’entrée de l’Église avec les ours et leurs « orsalhèrs » ?

Renaud de Bellefon

1. Jean-François Soulet, Les Pyrénées au XIXe siècle. T1 organisation sociale et mentalités ; t2    une société en dissidence, 1987, Eché, 478 et 713 p.

2. Michel Auvray, Objecteurs, insoumis, déserteurs. Histoire des réfractaires en France, 1983, Stock 2, 438 p.

Nunatak, revue d’histoires, cultures et de luttes de montagne.
Le numéro 8 de « cette revue qui se veut (et est) un support pour développer et partager nos critiques, depuis les régions montagneuses que nous habitons » vient de paraître. Ce numéro qui propose des articles sur « l’étranger » et le. A « d’ici », qui questionne sur le tout vélo comme le tout voiture avant lui, et se conclut sur un épisode peu connu, « La révolte des croates » au sein de la SS en 1943 à Villefranche-de-Rouergue, illustre et la tonalité, et la diversité des propos. Avec des illustrations toujours originales et souvent fortes.
A découvrir et soutenir : https://revuenunatak.noblogs.org/numeros/

Cet article fait partie du dossier :​

Horizons d'émancipation

Que la montagne est rebelle !

Pour son numéro estival, Cerises la coopérative vous propose de prendre de l’altitude. Oh, dans ce dossier, pas d’exotisme, ni de grands airs. On n’y parle ...
Partager sur :         
Retour en haut