Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Retour sur plus de 20 ans de métier de vigneron en Savoie, tiraillement constant entre Être et Faire. 

Dans certaines régions viticoles les vignerons nomment leurs treilles de vigne des « routes ». Que de cheminement parcouru depuis mon installation en 2001. De quelques vignes familiales conventionnelles sorties de la coopérative avec 3 cépages qui se courent après à aujourd’hui un vignoble bio riche de plus de 30 cépages alpins et de 3 beaux îlots avec haies et pelouses sèches. Mais oui, comme dans la chanson Étoile des neiges : « mon cœur amoureux s’est pris au piège » de ce terroir de la Combe de Savoie unique et merveilleux. Abnégation et sacerdoce pour avoir la prétention de créer de « vraies richesses » à la Giono où « les gestes manqués ont été aussi importants que ceux réussis en montrant le chemin » pour sortir des sentiers battus viticoles et viniques existants.

Quelques rares anciens avaient commencé à tracer ce chemin vers du bio-local. C’est véritablement par la création de l’association les Pétavins (2010) regroupant les vignerons bio des Savoie et celle du centre ampélographique alpin (2007) que notre engagement paysan est devenu structuré et collectif.

Cette grande diversité de personnalités, de terroirs, de cépages, de vins a permis de sortir de l’image traditionnelle fondue/raclette et de donner envie à de nombreux jeunes de s’installer en Savoie. Sur le groupe actuel des Pétavins, 13 sont des néo-vignerons installés depuis moins de 5 ans qui sont arrivés à créer des modèles économiques correspondant à leur personnalité et leurs valeurs. 

Mais faire bon, faire vrai, faire sain (nos vins ont en moyenne moins de 20 mg/l de SO2), vivre de son travail et se donner les moyens économiques d’avancer est compliqué : le tout gratuit n’existe pas et il y a toujours le travail de quelqu’un derrière. Réaménager, entretenir, faire écologiquement vivre à un coût et c’est pour nous un choix économique conséquent. La nature nous en remercie : le dernier inventaire floristique et faunistique réalisé dans nos vignes nous a dévoilé une riche diversité que nous n’avions pas imaginée. Mais que de dilemmes quand il est plus facile de vendre ‘au juste prix’ dans le grand export que localement et Dieu qu’il est compliqué de travailler en équipe pour que chacun apporte sa sensibilité et son savoir-faire. Le vigneron paysan n’est pas formé pour autant d’activités.

« Le vin c’est tout ce que le temps nous infuse de force ». Il est loin le temps des cuvées étiquetées « Le vin des Faucheurs » en soutien aux Faucheurs Volontaires. Notre engagement est devenu plus institutionnel afin de modifier les cahiers des charges de l’AOP Savoie pour plus de bio, inscrire dans le marbre syndical le pourcentage de vigne bio voulu en 2030, conserver et remultiplier les anciens cépages alpins, aider les transitions en bio, avoir la même bouteille pour permettre un vrai recyclage.

Nos bouteilles restent évidement un vecteur politique. A l’origine des cuvées « Par-Delà les Versants » – mosaïque espiègle de cépages valdotains, valaisans et savoyards -, un postulat : Quid de la libre circulation ? Pourquoi tant de lignes administratives sur les cartes ? Doit-il aussi exister des frontières pour les cépages ?

« On fait du vin et le vin nous fait » dit le dicton. Donner du sens à notre travail mais aussi partager nos convictions et les transmettre dans nos bouteilles nous est important.

Pour moi ce n’est pas être rebelle, c’est naturel comme du temps où ce mot ne faisait pas partie de notre vocabulaire mais simplement de la vie. Le plus bel encouragement est de nous accompagner. 

Santé !

Raphael Saint-Germain, Saint-Pierre d’Albigny

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