Nous sommes dans une période de bifurcation dans l’histoire longue des migrations
qui se confond avec l’Histoire de l’Humanité. Elles s’inscrivent dans le temps long et structurant de l’histoire humaine. Cette histoire a commencé en Afrique à partir des migrations des Néanderthaliens et de l’Homo Sapiens. Les migrants ne sont pas des intrus ; ils sont partie prenante de l’histoire de chaque société. Les migrations marquent l’imaginaire de notre monde : citons parmi d’autres le nomadisme, la sédentarisation avec la maîtrise de l’agriculture, l’exil, les colonisations, les diasporas, l’exode rural.
Les migrations, avec l’industrialisation et l’urbanisation, font partie des questions stratégiques du peuplement de la planète. Il faut revenir sur la question du peuplement. La crainte de l’explosion démographique a marqué les dernières cinquante dernières années. Depuis le rapport du club de Rome en 1970, la prise de conscience des limites écologiques a fait exploser la conception du développement.
Dans l’histoire du capitalisme, il reste encore les traces profondes de l’esclavage et de la colonisation. Aujourd’hui, avec la mondialisation capitaliste dans sa phase néolibérale, on peut définir trois formes importantes de migration : les migrations économiques, les migrations politiques qui résultent des guerres et des conflits et se traduisent par des déplacements de réfugiés, et les migrations environnementales qui commencent et vont bouleverser les équilibres de la population mondiale.
Nous vivons une période de profonde rupture. Les idéologies identitaires et sécuritaires répondent à l’émergence des mouvement sociaux porteurs de nouvelles radicalités : le féminisme, l’antiracisme et les révoltes contre les discriminations, les peuples premiers, les migrants et les diasporas. La prise de conscience de la crise écologique s’approfondit, elle se combine avec la crise de la pandémie. La crise s’accompagne d’une crise géopolitique, porteuse de multipolarité, qui ranime les gesticulations militaires.
Dans le domaine des migrations, les ruptures sont considérables. Prenons notamment la contradiction entre nomades et sédentaires qui a accompagné l’histoire de l’humanité depuis l’invention de l’agriculture en Mésopotamie. Nous vivons aujourd’hui le même mouvement des populations agricoles dans pratiquement tous les pays du monde qui passent de la majorité de la population à environ 5% de la population totale. Cette évolution va bouleverser la situation et l’image même des migrants.
Il en est de même pour la notion des frontières. Dans l’histoire longue des migrations, un changement important, entre le 17ème et le 18ème siècle, avec le passage de l’Etat-empire à l’État-nation. L’identité nationale est d’invention récente. Comme le disent si bien Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau, chaque individu a des identités multiples ; il est réducteur et faux de vouloir le rabattre à une seule identité, celle de l’identité nationale. La liberté de circulation et la citoyenneté de résidence font partie des droits émergents qui se renforceront dans l’avenir.
Les migrants sont déjà des acteurs de la transformation des sociétés et du monde. Il y a quelques années, les flux financiers des migrants et des diasporas, vers leurs pays d’origine, représentaient en 2021 630 milliards de dollars alors que l’ « aide » publique plafonnait à 179 milliards de dollars.
On estime que la population mondiale sera de 9 milliards entre 2040 et 2060, et que la population sera en décroissance dans une trentaine de pays en 2050 (contre une vingtaine aujourd’hui). La raison en est de l’émancipation des femmes qui explique que le taux de reproduction se stabilise à 1,7 enfant par femme. Le vieillissement social devient un problème essentiel. Les pays qui s’en sortiraient le mieux sont ceux qui, à l’exemple du Canada qui comptent 20% de personnes nées hors du Canada, accepteraient culturellement la diversité et les migrants.
Gustave Massiah
A lire également
Quid de l’organisation révolutionnaire ?
Le conflit pour faire démocratie
Rennes, une citoyenne à la mairie