Devant la dangereuse extension de l’audience du RN, Cerises a entrepris de travailler à une approche des motivations de son électorat, de façon à ne pas en rester au constat ni à une attitude qui consisterait à s’en tenir à condamner les méfaits du racisme, ce qui n’empêche nullement d’intensifier les luttes anti-racistes.
Pour tenter de combattre efficacement le RN et son influence à la racine, il convient d’analyser et de comprendre en profondeur les motivations qui ont pu conduire à ce vote. C’est ce que nous avons cherché à faire à l’occasion d’une table ronde où nous avons invité Félicien Faury auteur de l’ouvrage « Des électeurs ordinaires : Enquête sur la normalisation de l’extrême droite ».
Analyser les ressorts du vote RN
Il ne s’agit pas de faire preuve de complaisance mais d’analyser les ressorts du vote RN de façon à combattre son audience à la racine. Cela nous paraît d’autant plus nécessaire qu’il peut y avoir une certaine porosité entre ces motivations et celles d’autres personnes de couches populaires.
Depuis plus de 40 ans la question d’une urgence de la transformation sociale est posée et à chaque fois la gauche a déçu, en France, en Italie, la social-démocratie en RFA, en Suède. Tout aurait été essayé et échoué : faillite du soviétisme, du socialisme à la suédoise, désillusion devant le progrès technologique…
Sur ce terreau se sont développés les sentiments de dégradation, d’abandon, d’humiliation, de n’être pas écoutés, ni « représentés », de ne pas compter avec notamment des zones délaissées y compris les zones rurales sans plus aucun service public.
Alors que tout dans la vie pousse à assumer sa personnalité, la politique est l’image de la récupération et les capitalistes sont tellement loin qu’ils sont hors de perception. D’où le besoin d’exprimer ce que l’on ressent alors que syndicats et partis paraissent intégrés au système… Et ce vote semble hors des normes qui ont failli.
Rien de tout cela n’est infondé : c’est l’expérience qui parle.
Ajoutons que nombre de mutations dans les comportements (rapports à l’autorité, au travail etc.…) sont autant de signes de processus d’individuation et sont vécus comme autant de signes de dégradations. Le besoin d’un « retour » à l’ordre s’exprime d’où la défiance vis-à-vis des libertés publiques, alors que nous sommes face à un système délégataire à bout de souffle.
Un nœud du problème n’est-il pas dans le besoin d’une identité collective ?
Qui cherche à incarner une rupture profonde avec ces réalités ? Qui s’assimile aux délaissé·es ? Assez peu la gauche qui n’offre guère de radicalité. La diabolisation parfois limitée du RN le met dans la famille des réprouvé·es. Avec lui les causes à affronter sont tangibles : le monde d’en haut, les migrants plus faciles à discerner que le capital. De même il est plus facile de mettre en cause les élites culturelles que les élites économiques.
Il faut ajouter que la social-démocratie et la macronie voulant épargner les puissances d’argent se polarisent sur le RN d’une manière qui le valorise comme principal adversaire. Une manière de faire sa pub en creux.
La table ronde organisée par la rédaction de Cerises est animée par Bénédicte Goussault, avec Daniel Rome, Patrick Vassallo, Josiane Zarka, Pierre Zarka. Ils ont rencontré et débattu avec Félicien Faury sociologue.
La rédaction
L’intégralité de la table ronde à voir ici.
A lire également
Gratuité et émancipation
Démocratie : le pouvoir du peuple ?
Changeons le travail