Ce débat fait suite au numéro d’avril sur l’impasse du capitalisme et son stade non aménageable. Il s’agit d’interroger ce que pourrait être le post-capitalisme, d’explorer comment des revendications, souhaits, aspirations qui ont du mal à trouver leurs mots peuvent dessiner la perspective d’une autre société débarrassée du capitalisme et de l’ensemble des aliénations et dominations.
Battre en brèche l’idée que vivre autre chose relèverait de l’impossible ? En finir avec le caractère trop souvent éparse des luttes qui ont du mal à dégager du commun ?
S’interroger sur le fonctionnement d’une société fondée sur le développement humain et non sur la course financière, ne pourrait-il pas aider à donner leur sens aux luttes concrètes et ainsi redéfinir même la politique ? Comment la part nouvelle d’humanité que l’on pourrait dégager d’éléments concrets, mis ensemble, pourrait commencer à dessiner de nouvelles cohérences d’une société plus efficace pour assurer la réalisation de soi et de nouveaux communs écologiquement vertueux ? Comme nous ne sommes pas le seul peuple à tenter d’aller vers de tels objectifs, n’y a-t-il pas déjà des convergences nouvelles, à partir d’expériences singulières en cours.
Votre gorge est serrée ? Vous ressentez des nausées, un poids sur la poitrine, une perte de sens de l’orientation, ou un goût amer dans la bouche ? Contre tous ces maux, et tous les autres, un seul remède : «Le Grand Soulagement». Une méthode simple, efficace et pratique. Des objectifs clairs, à atteindre par étapes, grâce à une série de petits gestes précis à accomplir au quotidien. Dès les premiers résultats obtenus, vous pourrez développer votre méthode autonome en inventant vos propres gestes apaisants. Bientôt, grâce au «Grand Soulagement», vos tourments ne seront plus qu’un mauvais souvenir.Les affiches du Grand Soulagement sont apparues en avril 2021 sur les murs de différentes villes en France. Il est instigué par Quentin Faucompré et Cyril Pedrosa. Merci à eux pour leur inventivité.
Premières réflexions
En amont de notre visioconférence cinq contributeurs
et contributrices ont rédigé leurs premières réflexions.
Pour Pierre Zarka affronter l’immédiat sans nous inscrire vers une autre société, nous enferme dans une errance sans lendemain. Et si, plutôt que d’accepter des réalités que l’on nous présente comme incontournables, on opérait un renversement copernicien des conceptions ? Si c’est le fonctionnement de la société qui doit s’adapter aux personnes et non l’inverse ? L’intérêt de faire société n’est-il pas le développement de chacun/e où chaque avancée tend vers une nouvelle civilisation où la personne en est le tenant et les aboutissants ? Incompatible avec le capital. Est-ce que cela implique un tout ou rien ? Non : chaque avancée débouchant sur de nouvelles questions, il s’agit d’un mouvement jamais fini.
Makan Rafatdjou souligne la colonisation insidieuse de nos imaginaires par le capitalisme, qui imprègne au quotidien la structuration culturelle, sociale, économique, écologique, spatiale et temporelle de nos modes de vie et de relation pour devenir une structuration sociétale globale prégnante qui apparaît comme naturelle. Cette domination, en l’absence d’alternative, enferme les luttes dans des réponses du marché capitaliste. A l’exemple de la sécurité sociale, démarchandiser les communs dans une société garantissant pour tous l’éducation, la formation l’alimentation, le logement, l’accès à l’énergie, à la mobilité, à la culture, etc. concrétise la possibilité du post-capitalisme : démanteler ce qui est socialement aliénant et écologiquement néfaste et concrétiser les puissances socialement émancipatrices, écologiquement vertueuses qui sont déjà-là! On peut commencer dès à présent à remplacer ainsi la défense du pouvoir d’achat par celui du pouvoir de vie.
Pour Josiane Zarka la crise de la globalisation capitaliste ouvre un nouvel espace pour imaginer une autre mondialisation par et pour les peuples. Nous ne pouvons penser le futur par un repli sur soi, ni par le seul débat entre libre-échangisme ou protectionnisme. Penser un au-delà du capitalisme c’est s’interroger sur la nature des relations internationales et les repenser dans une nouvelle cohérence intégrant la diversité des situations. La solidarité internationale ne doit pas être entendue comme une valeur morale, mais comme la conséquence de l’interdépendance des peuples, impliquant une responsabilité commune et un intérêt mutuel des peuples. Dans cette voie, le mouvement altermondialiste a ouvert des pistes sur les communs des expérimentations en cours.
Pour Bernadette Bouchard penser le monde tel que nous le voudrions, suppose de bien connaître les tenants et aboutissants du capitalisme, car il est urgent de s’en débarrasser. Pour dessiner ce futur, elle part des écrits de Christian Ansperger. : s’orienter vers de nouveaux principes de vie ; inaugurer une vision communaliste de l’économie, créer des communautés existentielles critiques avec une éthique de la simplicité volontaire, de la redistribution radicalement égalitaire et de la démocratisation profonde. En développant des communs, en apprenant à s’auto-organiser à tous les niveaux, sans chef, mais avec des responsables devant les participants, nous apprendrons à grignoter le capitalisme pour qu’il s’écroule.
Enfin, Corinne Lepage appelle à visibiliser les déjà-là, souvent empêchés, invisibilisés, moqués. La peur qui tétanise c’est moins la question d’un monde post-capitaliste, que la réalité telle que nous la vivons aujourd’hui, qui ne laisse place à aucun autre. C’est l’existant qui bloque la possibilité d’imaginer autre chose. Notre nouvel imaginaire pourrait partir de ces déjà-là. Il est un impensé pointé comme un problème abyssal. L’exemple de la sécurité sociale permet de penser un salaire pouvant s’étendre tout au long de la vie, et inclure de nouvelles branches (le logement, l’alimentation…), les moyens de faire émerger des coopérations en tout genre et vivre décemment la vie, et un « nous » dans une vision collective et intersectionnelle.
La rédaction
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