Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Pourquoi les forces progressistes ont-elles fait défection ?

La montée des idéologies réactionnaires et le rôle des mouvements d’émancipation

Le durcissement autoritaire des États, notamment par des restrictions démocratiques et une montée des idéologies nationalistes, le renforcement des organisations d’extrême droite à l’échelle mondiale caractérisent la période. Un paradoxe : le fait que de nombreux travailleurs soutiennent aujourd’hui des gouvernements d’extrême droite, bien que ces derniers remettent en cause leurs propres droits.

Patrick Le Tréhondat : « L’extrême droite s’est développée parce qu’elle était radicale. Elle a exprimé des points de rupture qui nous ont effrayés, contre lesquels nous sommes vraiment contre, la césure qu’ils voulaient organiser était très profonde. C’est pratiquement une coupure civilisationnelle ».Le sentiment d’abandon des classes populaires par les forces progressistes a contribué à cette dynamique.

Nara Cladera : « La question des gouvernements dits progressistes, qui n’ont pas été à la hauteur, de subvenir aux besoins des classes populaires pour faire court, et tout simplement d’avoir, au contraire, mis en place des mesures qui ont accéléré des mesures néolibérales, voire des réductions de droits. Au Brésil, avec le gouvernement de Lula, la CUT, la première centrale syndicale brésilienne, est la courroie de transmission du PT. Et justement, quand Lula arrive au pouvoir, tout le mouvement social s’arrête.

Un retard stratégique des forces progressistes

Josiane Zarka : Les forces progressistes avaient trouvé un « espace » politique et syndical dans le « compromis capital/travail » de l’après-guerre, aujourd’hui obsolète. Mais l’illusion d’un capitalisme aménageable persiste au sein des forces progressistes, empêchant une véritable remise en cause du système. Leurs stratégies et leurs pratiques sont restées adaptées à cette période et à cette illusion.

Pierre Zarka : « Je crois que le mouvement démocratique se trompe d’époque. Il est encore en quête de négociations, de compromis qu’un capitalisme ne peut plus accepter. Et toute tentative d’arracher un compromis date d’une époque révolue, et développe un sentiment d’impuissance qui pèse non seulement sur le moral, mais sur les capacités de mobilisation ».

L’incapacité des mouvements d’émancipation à proposer une alternative crédible aux transformations actuelles conduit à une forme de paralysie politique. L’échec des mobilisations récentes, notamment sur la question des retraites, illustre cette difficulté à articuler un projet de rupture avec le système en place.

Jean Marie Harribey : « Il me semble que les forces en faveur de l’émancipation n’ont pas pris suffisamment la mesure de ce qui se déroulait depuis plusieurs décennies, parce que le libertarisme a été pensé pendant les années de l’entre-deux-guerres. Hayek a commencé à réfléchir à déréguler complètement l’économie, la société, réalisant ce que le travail, la terre et la monnaie seraient privatisés. L’exemple le plus révélateur est la façon dont les forces de l’émancipation ont déserté la réflexion et la stratégie, avec l’abandon de la question du travail. Au fur et à mesure que le travail a été dégradé et soumis au management par objectif, patiemment, les classes dominantes ont avancé leur pion pour aboutir à la situation d’aujourd’hui.

Bref, les fausses pistes sur la question du travail qui me paraît essentielle et dont la conséquence politique et stratégique, a été l’invisibilisation des classes populaires. Déjà, dans la sociologie bien-pensante, les classes sociales avaient disparu et les classes populaires n’avaient même plus le droit d’exister et d’être soutenues. Parallèlement, à cette désertion sur la question du travail, il y a eu un fourvoiement théorique et stratégique sur la question de l’écologie. Car l’écologie politique s’est progressivement fourvoyée, en envisageant un rapport à la nature coupé des rapports sociaux de production. Ce qui l’a conduit à reprendre à son compte un certain nombre de préceptes de conception de l’économie néoclassique de l’environnement, par exemple sur la dite valeur économique intrinsèque de la nature, ou bien sur le paiement des services écosystémiques, qui était l’antichambre de la financiarisation de la nature ».

Alain Lacombe : « Sur la sécurité sociale, par exemple, on s’est beaucoup battu pour préserver les acquis, la sécurité sociale, les acquis sociaux.  Ça ne nous a pas empêché de beaucoup reculer. Mais par contre, où on ne s’est pas du tout battu, ou pratiquement pas, c’est au moment où on a supprimé les élections à la sécurité sociale. C’est-à-dire qu’on a dessaisi les travailleurs de leur pouvoir de gérer leurs cotisations, les cotisations qui leur appartenaient. Là, on n’a pas mené la bataille politique ».

Cet article fait partie du dossier :

Horizons d'émancipation

Nouveau monde, nouveaux défis

De quoi l’arrivée de Trump au pouvoir est-elle le nom ?S’agit-il d’une rupture dans le développement du système capitaliste ? Le néolibéralisme entre-t-il dans une phase de ...
Partager sur :         
Retour en haut