En 2015, des étudiants réfugiés lancent un appel sur les réseaux sociaux et donnent rendez-vous aux exilés d’Île-de-France qui souhaitent reprendre leurs études supérieures, dans un café parisien. Leur objectif : accompagner ces futurs étudiants dans leur orientation, les démarches administratives (bourse, logement, reconnaissance des diplômes…), l’apprentissage du français, les introduire à la vie étudiante, leur donner des billes pour comprendre la méthodologie française, bref ; leur éviter le parcours du combattant que constitue la reprise d’études en France. Le plus : cette aide informelle est proposée par des personnes ayant vécu ce même parcours quelques années plus tôt et se fait dans les différentes langues maternelles.
Trois ans plus tard, face aux besoins qui explosent, le collectif informel se structure et devient une association: l’Union des Étudiants Exilés. Installée d’abord à la Maison des Réfugiés puis sur le campus Condorcet, l’association reçoit, accueille et accompagne plus de 2000 personnes par an. En 2022, ce sont 741 personnes qui ont repris leurs études grâce à l’UEE. L’UEE s’est installée à Lille et s’implantera dans les mois qui arrivent à Grenoble et Strasbourg.
Pourquoi une telle initiative? Pour répondre aux besoins énormes de nouveaux exilés qui, désormais, sont beaucoup plus nombreux à être déjà en partie formés et ambitionnent de reprendre leurs études afin de s’orienter vers des métiers qualifiés. S’il n’existe pas de chiffres officiels, tous les acteurs de l’accueil soulignent que la tendance est à la hausse, si l’on compare aux décennies précédentes. L’action de l’UEE s’articule autour de principes forts:
–l’accès inconditionnel aux études, quel que soit le statut administratif de la personne, qui est un droit garanti par la loi française,
–l’équité: les étudiants exilés ont des besoins spécifiques et demandent un accompagnement adapté pour leur assurer un accès réel et facile à l’enseignement supérieur, seule manière de les inscrire durablement dans leur parcours universitaire,
–l’importance de l’inclusion, pour permettre de se créer un avenir dans son pays d’accueil.
Mais l’enjeu est aussi pour l’UEE d’accompagner les universités et leurs agents pour créer des conditions d’accueil dignes et efficaces pour ces étudiants exilés. L’UEE propose des formations à destination de ces acteurs pour les sensibiliser aux besoins spécifiques des personnes exilées (besoin de cours de méthodologie, de temps supplémentaire lors des examens, d’une meilleure intégration dans la vie étudiante) et à leurs difficultés (grande précarité, isolement, perte de repères, méconnaissance du système universitaire…). Intégrée dans de vastes réseaux d’universités, l’UEE a participé à la création des Diplômes Universitaires Passerelle dans de nombreux établissements, qui allient enseignement du français, méthodologie, mentorat et permettent aux étudiants de mettre un pied dans l’enseignement supérieur pour reprendre leur spécialisation par la suite.
Enfin, L’UEE se voit comme un acteur accompagnant un changement durable et profond. Tous les experts s’accordent sur le fait que les migrations dans le monde vont s’intensifier, en particulier sur les territoires moins concernés comme l’Europe. Jusqu’aujourd’hui, l’immense majorité des migrations se fait entre les pays du Sud et n’atteint pas le Nord… mais que va-t-il se passer lorsque le dérèglement climatique (en plus des guerres et des situations d’oppression) mettra sur les routes de plus en plus de monde (216 millions de personnes déplacées dans le monde en 2050 selon le rapport Groundswell de 2021 / banque mondiale)? La question pour l’UEE est plutôt celle de la société que nous voulons construire ensemble: souhaite-t-on créer les conditions d’un véritable vivre-ensemble et garantir à tous l’égalité dans l’accès aux droits, ou sommes-nous prêts à renoncer aux principes qui fondent notre République?
Site de l’UEE : http://uniondesetudiantsexiles.org, réseaux sociaux : LinkedIn, Facebook, Instagram
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