Nous descendons toutes et tous de l’Homo sapiens et d’un seul ensemble génétique. Il n’existe ainsi pas d’être humain supérieur ou inférieur en termes de l’évolution de l’espèce.
L’Humanité est une. Elle est une du point de vue scientifique mais plurielle du point de vue des interactions avec la nature et les autres humains.
Conquêtes militaires, colonisations, esclavages…, depuis la nuit des temps et au cours des siècles, les hommes et les femmes se déplacent, traversent les continents de manière volontaire ou involontaire. Et ce mouvement fait notre condition humaine et constitue nos langues, nos cultures et mêmes nos identités.
C’est avec le capitalisme et surtout avec la formation des États nation et sa traduction sous la forme de territoires, de frontières et de nationalités, que la question des mouvements migratoires s’est posée sous un jour nouveau. Comme l’exprime le philosophe Étienne Balibar, la frontière est ainsi le type même de l’institution discrétionnaire, le lieu où les droits des citoyens cessent et sont remis à l’État. Le droit de circulation et d’installation des étrangers devient alors un enjeu.
Au moment où une loi xénophobe et raciste vient d’être votée en France, il faut rappeler et admettre que les migrations sont une réalité consubstantielle de l’humanité. Il ne s’agit pas d’un problème en soi comme l’exprime l’extrême-droite et ses alliés, ni un problème d’accueil comme il se dit dans nos espaces anticapitalistes, communistes, alternatifs.
Dans la guerre aux migrant-e-s, voire même dans certains regards compatissants ou argumentaires sur la richesse des migrations, d’apports démographiques, d’hospitalité, la personne migrante est réduite à l’état de victime, un corps soumis, voué à l’invisibilité, à l’errance et à l’attente, enfermé dans des zones de non droit hors de l’espace politique, privé de parole, ayant des devoirs mais aucun droit, déplacé en fonction des besoins des économies européennes. En quelque sorte une catégorie déshumanisée. Ces représentations occultent l’aspect actif et subjectif des projets migratoires.
La migration des femmes et des hommes est de manière générale appréhendée sous l’angle de la politique de l’État nation et de la société nationale (intégration, assimilation, altérité, citoyenneté communautarisme, cosmopolitisme), ou des questions économiques (classe sociale, pauvreté, marché du travail, travail clandestin…). Mais le franchissement des frontières ne se réalise pas comme on le pense souvent dans une logique purement administrative et juridique, il ne s’agit en rien d’un acte spontané sans passé ni futur qui se vit en permanence au présent.
Il faudrait que la gauche change de focale et qu’elle parvienne à ne plus appréhender ces mouvements sous l’angle de l’État, que ce soit celui de départ ou celui d’arrivée, ou sous l’angle de la logique économique de l’offre et de la demande. Il faut pour cela penser les migrations à partir de ceux et celles qui réalisent ce processus : les migrant-e-s eux-mêmes. Pour le dire avec le philosophe Etienne Tassin « …la concrète richesse d’être entièrement humains non par leur générosité, mais par la puissance d’un agir ensemble pluriel et constructif. Humains parce qu’acteurs politiques de leur vie collective, aussi éclatée et précaire soit-elle ! … »
Fernanda Marrucchelli
Nation/nationalité
Ces deux notions sont plus étrangères l’une à l’autre qu’on pourrait le penser. Lorsque les révolutionnaires de 1792 crient « Vive la Nation », ils ne crient pas Vive la Patrie, mais Vive le peuple assemblé et constitué comme tel…Il s’agit d’une identité politique et non ethnique. C’est cet héritage qui fera que des Polonais auront rang de ministres durant la Commune de Paris sans que cela ne soit vécu comme une incursion, même par les adversaires de la Commune. Si on remonte dans le temps, Philippe Le Bel emploie le mot de nation pour désigner l’ensemble que constituent ses sujets. La notion de nationalité n’existe pas ; c’est ce qui explique qu’Anne d’Autriche (espagnole comme son nom ne l’indique pas) ait pu gouverner la France avec l’Italien Mazarin. Et que dire des couples « mixtes » comme phénomène banal ?
C’est au milieu du XIXème siècle que les notions de nationalité et de nationalisme émergent. Parfois pour le meilleur : les Irlandais veulent s’émanciper de la tutelle anglaise, les Italiens affirmer leur unité. Mais dans l’ensemble cela fut plutôt pour le pire. Les nationalismes (auquel il faut rattacher le sionisme) ont exprimé les mises en concurrence des peuples auxquelles se livraient les bourgeoisies. La guerre de 1870 en a été un reflet. Ajoutons que ce n’est que durant la première guerre mondiale que le passeport est devenu obligatoire par défiance envers les étrangers. Contrairement à ce que laisse supposer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en 1948 : « toute personne a le droit de quitter tout pays y compris le sien ». Les menées gouvernementales en matière d’immigration visent à casser ce qui fait notre identité collective de classe.
Pierre Zarka
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