Jusque dans les années 1970, les migrations, souvent d’initiative patronale, visaient à pourvoir plus ou moins durablement des postes de travail au gré des fluctuations du marché. Et ce sont les institutions du salariat (contrat de travail, droit du travail, salaire de la convention collective, syndicalisme, comité d’entreprise, médecine du travail, sécurité sociale) qui ont été les vecteurs décisifs de l’intégration des migrants par l’exercice de droits universels liés au travail.
Au contraire, alors même que la présence des migrants est devenue un élément structurant du marché du travail, de multiples obstacles ont été opposés depuis 50 ans à leur droit à l’emploi cependant que leur mobilité entre pays d’origine et pays d’immigration était entravée, avec en compensation des regroupements familiaux tolérés. Si bien qu’aujourd’hui l’immigration est à la fois durable, décisive et massivement concentrée sur les emplois les moins dotés de droits et donc les moins intégrateurs. Des emplois d’autant moins dotés de droits que l’interdit d’emploi qui frappe des migrants soumis à des procédures de régularisation extrêmement restrictives multiplie en réalité les situations de travailleurs invisibilisés et corvéables à merci.
Sortir de cette situation ne peut se faire ni par des mesures ciblées qui vont au contraire maintenir les personnes concernées dans la discrimination, ni par des politiques publiques venues d’en-haut qui vont continuer à les définir par leurs manques. Toute notre histoire sociale montre que seul l’exercice actif de droits, et de droits universels liés au travail, est intégrateur.
Encore faut-il que les droits liés au travail soient attribués aux personnes et non aux emplois, et nous trouvons ici une exigence qui concerne, bien au-delà des migrants, toutes les personnes majeures résidant sur le territoire national. Sortir de la folie tant écologique qu’anthropologique de l’organisation capitaliste du travail exige que la décision de produire et la conduite du travail soient soustraites à la classe dirigeante et deviennent la responsabilité de toutes les personnes majeures. Les conquis considérables du salaire comme droit de la personne (et non de l’emploi) et de l’avance monétaire en salaire (et non pas en capital) doivent être actualisés et généralisés dans une citoyenneté enrichie du pouvoir sur la production. Le travail ne doit plus être la condition (aliénée et exploitée) d’obtention de droits mais la conséquence volontaire, définie et pratiquée en commun, de droits économiques attachés à la personne majeure.
Cela veut dire qu’outre la libre circulation des personnes, la bataille pour une citoyenneté incluant la souveraineté sur le travail doit être au cœur des mobilisations des – et avec les – migrants. Toute personne majeure résidant en France doit être citoyenne et disposer, outre du droit de vote, de trois droits politiques : droit à la qualification et donc au salaire, droit de propriété d’usage de l’outil de travail (et donc de décision au niveau microéconomique), droit de participation aux décisions de coordination de la production (création monétaire, investissement, propriété patrimoniale des outils, accords internationaux).
Bernard Friot
La loi Immigration est avant tout une loi anti-ouvrière.
L’immigration en France c’est 20% des travailleurs comme l’ont encore mis en valeur les confinements. L’activité des travailleurs immigrés est indispensable à la marche des économies occidentales dans tous les secteurs, services à la personne, BTP, industrie, livraison, santé etc.
Refuser de régulariser des travailleurs sans papier en poste c’est, en connaissance de cause, maintenir une fraction des travailleurs dans l’illégalité et la précarité ; mais c’est aussi imposer des conditions salariales plus basses que celles qu’impose la législation, et ainsi de proche en proche faire pression sur tous les salaires.
Avec la suppression de l’A.M.E. lorsqu’un travailleur ne sera pas soigné, sera contagieux, ou absent, les risques reposeront sur les autres travailleurs , y compris les natifs, qu’il côtoie au travail ou dans son quartier ?
Repousser les droits aux prestations sociales à 5 ans de présence, et donc de cotisation, c’est préparer la dégradation des droits aux prestations sociales pour tous, etc.
La faible mobilisation des forces de gauche et de progrès pour défendre la partie des travailleurs attaquée parce qu’étrangère contribue à créer les conditions que demain les dirigeants du système s’en prennent successivement aux assistés, aux chômeurs, aux banlieues, aux CDD, aux entrepreneurs individuels, afin de faire oublier le gouffre qui sépare tous ces travailleurs des 1% les plus riches qui accumulent les milliards pompés sur le travail des premiers.
Extraits de Jacques Lancier auteur de: ” Étrangers, immigrés, bienvenue! vous aussi êtes ici chez vous”
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