Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


« Baraye zan, zendegi, azadi  » Femmes, vie, liberté

En Octobre dernier, une pétition proposait d’ajouter aux candidats aux Grammy Awards une chanson iranienne rendue populaire par le groupe Cold Play. Cette chanson, c’est « Baraye » (qui peut se traduire par « pour » ou « à cause de ») écrite et interprétée par Shervin Hajipour. Ce jeune chanteur populaire a diffusé sa création sur instagram quelques jours après la mort à Téhéran de Mahsa Amini. Réaction immédiate : des agents des « Gardiens de la révolution » l’arrêtent. Relâché deux jours plus tard, il reste exposé à des poursuites. Et la chanson est censurée.

Mais les réseaux sociaux ont parfois du bon : en quelques heures, le clip avait été visionné plus de quarante mille fois. Impossible d’arrêter la machine, des artistes et manifestants du monde entier s’en emparent. 

Si elle dérange, c’est que cette chanson s’inspire de 31 tweets, 31 raisons de protester, de se battre, de réclamer la liberté en Iran. 

La liberté des femmes, bien-sûr, avec ce slogan repris dans de nombreuses manifestations « Femmes, vie, liberté » et puis « pour ma sœur, ta sœur, nos sœurs ». « Pour les fillettes qui préféreraient être nées garçons ». Mais cette liberté « azadi », elle est aussi « pour les hommes, pour le pays, pour le développement ».

Car de nombreux hommes ont rejoint le mouvement. La mort de Mahsa Amini a ouvert les vannes. C’est un véritable manifeste anti-théocratie. « A cause de cette obsession de nous forcer au Paradis » dit la chanson… Refus des règles liberticides sensées éviter l’Enfer et qui en créent un sur Terre…

Que dit-elle d’autre ? L’interdiction de danser dans les rues, la peur de s’embrasser, la recherche d’une vie normale, la liberté de promener son chien, l’écologie, la misère dans le pays, la honte du père qui ne peut nourrir sa famille, la corruption, l’hypocrisie des Mollah qui forcent les écoliers à chanter « Mort à l’Amérique », alors que leurs enfants y coulent des jours heureux, les bâtiments qui s’effondrent. 

La mort, la peur, la misère.

Elle chante à deux reprises la discrimination des enfants afghans enfin, travailleurs de sept ans, qui n’ont aucun accès à l’école. Elle fait allusion à une vidéo qui a provoqué une vive émotion : un journaliste demande à un petit garçon afghan affairé dans une décharge ce que serait son rêve. L’enfant ne comprend pas. Qu’est-ce qu’un « rêve » ? Est-ce un problème de traduction ? Le Farsi n’est pas sa langue. Ou bien a-t-il enseveli dans cette décharge l’idée même de rêver ?

« Baraye » n’apparaît pas dans la liste des nommés aux Grammy Awards… Dommage. Il est des chansons qui ne reçoivent jamais de récompenses. Et des récompenses dont le bien-fondé nous échappe ! Combattre pour la liberté est peut-être moins politiquement correct que chanter des chansons grivoises, qui sait ? Reste à savoir ce que deviendra Shervin Hajipour. En espérant que Paris n’ait jamais à lui donner – comme à Mahsa Amini – une citoyenneté d’honneur en carton symbolique – et à titre posthume.

Alexandra Pichardie

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