Saint-Jean Brévelay, c’est dans cette petite commune de 2800 habitants que le Printemps des poètes a choisi d’évoquer Guillevic, disparu il y a 25 ans cette année. Guillevic y passa une grande partie de son enfance. L’affaire a mobilisé le collège Guillevic mais aussi les deux autres établissements publics de la commune.
Parmi les intervenants, Francis Combes, poète éditeur, ami de Guillevic qui prit sa part dans la création des éditions « le Temps des Cerises ». Francis Combes a évoqué, « Vivre en poésie » un ouvrage majeur de Guillevic. Et de faire partager comment cet ouvrage est « sans doute le plus beau livre sur ce qu’est la poésie, ce qu’est le métier de poète, ce qu’est l’acte de poésie ». Et de rappeler qu’on a souvent comparé Guillevic et Francis Ponge. Ils furent deux figures de ce qu’on a appelé la poésie matérialiste, un courant qui s’est affirmé dans la poésie française après-guerre, après la résistance. Ils étaient en rupture avec le grand saut dans l’imaginaire, parfois le merveilleux, qu’avait été le surréalisme. Ces deux poètes avaient été marqués par l’épreuve du fascisme, de la guerre, de l’horreur, de la résistance, et ont emprunté un chemin différent de leurs aînés. C’est d’ailleurs au plus noir de ce temps, en 1942, que Guillevic choisi de devenir communiste.
En quelque sorte, dans « Vivre en poésie ou l’épopée du réel » Guillevic s’explique : « c’est cela que j’appellerais vivre en poésie : prolonger le réel non pas par du fantastique, du merveilleux, des images paradisiaques, mais en essayant de vivre le concret dans sa vraie dimension, vivre le quotidien dans ce que l’on peut appeler – peut-être – l’épopée du réel ». Et d’ajouter plus loin : « la poésie c’est ce qui permet de tenir. Je crois que pour une part importante, le suicide témoigne de la perte en soi-même de la poésie ».
Voici la force de Guillevic, de nous évoquer cette musique profane a cappella qui exprime tous les sentiments, les plus intenses comme les plus légers, et qui nous fait toucher du tympan, du cerveau, et des frissons entre les omoplates, ce que c’est qu’être humain/e.
« La poésie, c’est la sensation de nos rapports avec les choses les plus humbles comme les plus grandes, sensation qui fait de la vie un perpétuel madrigal de Monteverdi ».
Catherine Bottin-Destom
Comment choisir un poème de Guillevic, ils sont souvent si courts et si longs en bouche. En ce temps où il s’agit de penser et de ne pas applaudir aux huées imbéciles, peut-être que « Berceuse pour Adultes » est recommandé.
A coups de métal,
A coups de vautour,
A coups d’océan,
A coups d’édredon,
A coups d’embrassades,
A coups de cresson,
A coups de pressoir,
A coups d’églantine,
A coups d’escalier,
A coups d’orphéon,
A coups d’horizon,
Dors et fais tes rêves.
Eugène Guillevic est né le 5 août 1907 dans la commune de Carnac dans le Morbihan. Il est parmi les poètes français l’un des grands, des plus connus de la seconde moitié du 20ème siècle. Sa poésie est traduite dans plus de quarante langues et soixante pays. Il est décédé à son domicile, le 19 mars 1997 à Paris. Ses cendres ont été dispersées au gré des vents d’une lande néolithique de Carnac, en Morbihan.
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