La trajectoire autoritaire du gouvernement oblige à aller sur le fondamental pour modifier le rapport de forces. Regardons ce qu’il se passe en Italie, en Grèce, en Grande-Bretagne, en Corée du Sud ou en Israël : partout l’évolution du capitalisme entraîne ce type de dérive autoritaire ; elle est rendue possible par le système représentatif : parlementaires et gouvernants sont de fait indépendants de celles et ceux qui les élisent. Pourquoi ces mises en cause aujourd’hui et pas durant les années soixante : le rapport de forces s’est dégradé ? Oui mais pas seulement : hier le capital tirait ses profits de l’exploitation du travail et il avait besoin de personnes bien formées et en bonne santé ; aujourd’hui la reproduction du capital est devenue incompatible avec les frais du travail et il se réfugie dans la spéculation (64% des dividendes versés aux actionnaires du CAC 40) le pillage des fonds publics (159 milliards distribués par l’État). Santé, formation, logement sont devenus pour lui du gaspillage.
La définition des services publics est trop souvent ramenée au rang d’entreprises gérée par l’État. Leur finalité est d’assurer l’égalité d’accès des citoyens devant ce qui est jugé vital, quel qu’en soit le prix et assurer la cohésion de la société. Leur développement a permis un maillage du territoire et une égalité de traitement des citoyen/nes quel que soit leur lieu d’habitation. Il s’agit d’un fondement de notre société : « de chacun/e selon ses moyens à chacun/e selon ses besoins ». La notion de rentabilité lui est étrangère : l’électrification de la moindre habitation en campagne, ou l’École partout en témoignent.
Macron lui-même invoque les attentes des marchés financiers ! Comme s’ils étaient un élément de la démocratie ! Nous n’avons pas le choix : pour réussir on ne peut que franchir les limites actuelles qui nous séparent de la mise en cause du système. Que l’on soit lié à la politique, au syndicalisme, à l’associatif, l’obstacle est désigné. C’est au peuple que revient la légitimité de définir ce que la société lui doit et comment payer et donc ce qui doit être de l’ordre des services publics.
Cela appelle à dépasser la dissociation du social et du politique comme cela a été le cas lors de leur création par le CNR ou lors du Front Populaire. Qui doit être aux commandes de l’élaboration et ensuite de leur conduite ? aujourd’hui le peuple et les institutions sont devenus deux mondes étrangers l’un à l’autre. Faut-il laisser la prise d’initiative des « réformes » aux forces de l’argent ? Trop souvent une conception de la démocratie entre les mains des intéressé·es, est ramenée aux dimensions du local. Mais comment la maîtrise des intéressé·es peut-elle être compatible avec la nécessité de la production d’énergie, les programmes scolaires ou la politique de santé ? La démocratie implique de pouvoir brasser un espace large – c’est vrai pour la politique internationale de la France ou la lutte contre la crise climatique et écologique. N’avons-nous pas là où nous vivons une idée sur le climat ou sur la situation du Moyen-Orient ? Le Parlement vient de nous faire la démonstration qu’IL n’était pas l’espace où la défense de la retraite se jouait. Alors faut-il se plier au système représentatif s’il ne sert pas le peuple ? Ou ne faut-il pas concevoir que dès que l’on dépasse le local il s’agit non pas d’avoir des « représentants » qui nous dictent ce dont nous avons besoin mais des rencontres de porte-paroles pour permettre aux citoyen·nes d’harmoniser ces besoins ? « On n’est jamais si bien servi que par soi-même » dit un proverbe.
Pierre Zarka
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