Le recul des services publics ne fait plus débat. Couplé à une injustice fiscale croissante, il nourrit une colère sociale qui, s’exprimant par exemple dans le mouvement des Gilets jaunes, traduit un sentiment d’abandon comme l’a plusieurs fois rappelé le Défenseur des Droits. Face à cette colère, le discours néolibéral martèle qu’il faut réduire les prélèvements obligatoires pour favoriser le pouvoir d’achat, en omettant de rappeler que ces décisions ont un coût pour les populations. Un coût économique et social, lorsqu’un service public est privatisé ou d’accès difficile notamment : quand un service public disparaît d’une commune, celle-ci perd de son attrait, les populations et les commerces étant alors tentées de rejoindre d’autres communes dans lesquelles les services publics restent présents. Ce sont des communes rurales voire de petites villes ou des quartiers pauvres, déjà fragilisés par la concurrence des grands espaces urbains, qui sont frappés en premier lieu, avec un accroissement des inégalités à la clef. Le coût est également environnemental puisque l’éloignement des services publics oblige les usagers à effectuer de plus longs déplacements par exemple.
Ce recul prend plusieurs formes comme les suppressions de services publics, les délégations de service public et les partenariats public/privé mais aussi avec l’intervention d’acteurs privés dans le processus de décision, comme l’affaire McKinsey l’a illustré. Pour se réapproprier les activités publiques, il faut montrer les incidences concrètes du recul à l’œuvre et mettre en débat plusieurs pistes.
La priorité est de définir ce qui relève de l’action publique, en fonction des besoins notamment. Il s’agit ensuite d’organiser son financement, donc d’effectuer le lien entre la contribution commune et la dépense publique, en montrant le coût global réel du recul des services publics et en promouvant une autre approche. Toute activité ayant un coût, l’enjeu est en effet de le répartir de manière juste, en ayant pour objectifs d’une part de financer une action publique efficace et présente sur l’ensemble du territoire et d’autre part, de réduire les inégalités. L’utilisation de l’argent public doit être le fruit d’un débat réellement démocratique et elle doit être transparente pour les citoyen·ne·s. A ce titre, il est nécessaire d’associer continuellement les élu·e·s mais aussi les populations, les associations et les organisations du mouvement social, au niveau local et national.
Certains besoins peuvent être pris en charge par des sociétés coopératives d’intérêt général dont l’objectif ne serait pas de dégager un profit mais d’intervenir en complément des services publics, notamment sur des chantiers spécifiques (isolation thermique des bâtiments publics par exemple). Ces sociétés seraient différentes des sociétés coopératives d’intérêt collectifs promues par BPI France, en reprenant toutefois les principes les plus intéressants (un associé = une voix par exemple). Elles auraient le mérite de montrer que d’autres formes d’acteurs économiques, au service de l’intérêt collectif, sont possibles.
Au fond, la question de la place et du rôle des services publics souffre avant tout d’un manque de débat démocratique et de l’impact des politiques néolibérales de marchandiser la plupart des activités publiques. La période montre cependant un réel attachement de la population à la justice fiscale, sociale et écologique. Les alternatives peuvent y gagner en crédibilité.
Ophélie Vildey
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