Nous ouvrons de nouveau la problématique du travail, salarié ou non, et celle de la place et des moyens de la démocratie dans les entreprises.
Posséder la maîtrise de son travail, pouvoir décider de son objet et de son organisation, autant de questions absentes des débats, et ne parlons pas du sens même du travail.
Comment la gauche doit-elle répondre à ces aspirations même si leurs manifestions concrètes la désarçonne et la met dans l’embarras face à ses formes d’organisation collective sur le lieu de travail ?
Ouvrir ce débat est l’objet de notre dossier.
Le travail ne possède -t-il pas une dimension anthropologique ?
Si le travail constitue l’un des enjeux majeurs auxquels sont confrontées nos sociétés, il est peu présent dans les débats politiques. Si les questions de l’emploi, des salaires sont abordées, celles des conditions de travail, de la santé au travail le sont beaucoup moins. Quant aux questions de la maîtrise de son travail, de pouvoir décider de l’objet et de l’organisation de son travail, elles sont complètement absentes des débats, et ne parlons pas du sens même du travail. Question émergente chez nombre de moins de 50 ans.
L’idéologie dominante considère qu’il appartient aux seuls dirigeants des entreprises, voire aux seuls investisseurs omnipotents de décider de la finalité et la destination du travail des humains. Travailler serait donc d’abord s’exécuter. Et si ce n’est pas ça, c’est quoi travailler ?
Sont aussi présents dans cette problématique la question du télétravail, de sa nature « libératoire » ou non, celle de l’organisation et du management qui prévalent au sein des entreprises et leurs conséquences sur les collectifs de travail. Une organisation et une répartition des pouvoirs qui ont évolué au cours des années, de l’artisanat au taylorisme, au lean management et à l’omni prégnance voire omnipotence des chiffres.
Ces questions ne sont pas intemporelles mais la manière d’y répondre a des conséquences immédiates. On connaît le lien entre abstention et vote RN et absence de marges de manœuvre dans son activité, autrement dit le travail est aussi un facteur de démocratie. Ne serait-il pas opportun de tenter d’en tracer les liens et relations avec notre société, avec la démocratie et l’action politique d’une part mais aussi dans les moyens et possibilités de mettre en œuvre les transformations indispensables dans les chaînes de production de notre vie et en société.
N’est-il pas urgent de faire le procès des principes managériaux qui prévalent aujourd’hui dans l’organisation des entreprises, parce qu’ils sont la négation du travail vivant et par là même réduisent voire suppriment la capacité à faire face aux enjeux industriels, sociaux et environnementaux ? N’est-il pas nécessaire et urgent que ce soient celles et ceux qui travaillent, les usager/es qui procèdent à une redéfinition du travail ?
Dans le numéro précédent de Cerises Patrick Le Tréhondat[1] avait déjà abordé ces questions, notamment celle du télétravail. Bernard Friot nous rappelle en quoi le statut de la fonction publique et des entreprises publiques gagné en 1945 constituait un déjà là de communisme car ouvrant la prise de pouvoir sur le travail. Pour Pierre Zarka faire son travail convoque la totalité de la personne humaine et ses relations aux autres et ne peut être réduit à la réalisation des tâches nécessaires à la valorisation du capital. Une approche globale que partagent Patrick Vassallo et Patrick Rozenblatt.
Et que viennent aussi compléter les autres participant-e-s à notre dossier, Olivier Frachon, Bénédicte Goussault, Danièle Linhart, Rémi Ponge, Makan Rafatdjou, Maud Simonet.
L’équipe de rédaction
[1] https://ceriseslacooperative.info/2025/02/07/incursions-contre-le-capital/
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