En décembre dernier à l’appel national d’une intersyndicale réunissant l’ensemble des organisations (CGT, CFDT, CFTC, Unsa), les salarié·e·s de Decathlon ont fait grève pour protester après le versement d’un milliard d’euros de dividendes à la famille Mulliez, propriétaire de l’entreprise. Les syndicats réclament une hausse des salaires. « De voir que là aussi, le capital l’emporte sur le reste… cela nous montre… qu’on en sortira pas tant qu’on n’aura pas un peu repris la lutte de classe » expliquait alors David, employé à Villeneuve-d’Ascq. La CFDT, pour qui les travailleurs sont «bradés» exige, en lieu et place de ce versement, que les actionnaires renoncent à cet argent, afin que «la valeur créée par les salariés soit partagée». Cette contestation qui porte une exigence de partage de la richesse met en cause les profits et dénonce le règne du Capital. Le droit des propriétaires des moyens de production à décider de la répartition de la plus-value produite par le Travail est mis en cause.
Une autre incursion contre les droits du Capital a eu lieu en octobre dernier à Ubisoft. Une grève a mobilisé plus de 700 salariés sur les 4 000 que compte l’entreprise pour protester contre la décision prise par le groupe d’imposer au moins trois jours de présence au bureau par semaine contre le télétravail. Le Syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo (STJV) dénonce la mesure « sans aucune justification étayée ni consultation du personnel ». Ce syndicat explique que « Après plus de cinq ans à travailler efficacement dans le cadre actuel de télétravail, nombre de nos collègues ont construit ou reconstruit leur vie (vie de famille, logement, parentalité…) et ne peuvent simplement pas revenir aux conditions précédentes… La conséquence de sa décision sera la perte d’emploi de nos collègues, la désorganisation des productions, et l’augmentation drastique des risques psychosociaux pour ceux qui restent. » L’appel était également soutenu par Solidaires Informatique et la CFE-CGC. Le télétravail isole les salarié·es. Le repli sur le travail à la maison disloque les collectifs de travail et affaiblit les mobilisations collectives. Autant dire que cette grève peut mettre dans l’embarras. Mais pour autant elle exprime un désir d’autonomie contre le « despotisme d’usine » et discute du mode d’organisation de la production, chasse gardée des patrons. Autant de questions que de nouvelles couches de salarié·es mettent en avant, et pour lesquelles les réponses d’hier sont caduques.
Patrick Le Tréhondat
Image : ©CFDT
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