De quoi le travail est-il le mot ?

Nous avons besoin de nous dégager des définitions forgées par l’idéologie des capitalistes. Afin ne plus nous limiter à dire NON mais de mettre au cœur de l’actualité ce que doit devenir être travailleur/se. Au tour des exploiteurs d’être le dos au mur.

Les mots : « emploi » suppose des employeurs et des employés, n’est-ce pas dans le non-dit un rapport de dépendance ? « Retraite »… en retrait de quoi ? ; « temps libre »… ah ? Parce qu’autrement, on n’est pas libre ?

Travailler, est-ce exécuter une tâche ou jouer un rôle social ? Un chauffeur de bus, il conduit un bus ou permet du rapport social ? Ça n’a pas la même valeur. Et avec un prof dans le bus qui enseigne, n’y a-t-il pas de fait un échange de services mutuels même s’ils ne se connaissent pas ? Mis à part les boursicoteurs et les criminels, peu d’activités échappent à cet échange solidaire. On l’a vu avec les soignants lors du Covid ; et c’est lors de la grève des éboueurs qu’on a pu mieux mesurer leur apport.

Au travail, on recourt de plus en plus à son intellect et à son esprit d’initiative. Gamin, j’ai vu ces chauffeurs de locomotives qui, à l’arrêt, tapaient avec un maillet pour savoir si la roue avait trop chauffé. Ils transmettaient à leur hiérarchie qui décidait de la nécessité ou pas d’un nouvel usinage. Maintenant un ouvrier soulève sur un trépan un TGV et, avec une machine à commande numérique, mesure au micron près les usures de la roue. Il est sa propre hiérarchie pour décider s’il faut re-fraiser la roue, de combien et comment. Il y a 40 ans, un journaliste écrivait son article au crayon (conceptualisation) puis le dictait à une sténodactylo qui l’envoyait à la mise en page (exécution). Aujourd’hui il tape sur son micro son article et l’envoie lui-même à la mise en page. Il le tape au fur et à mesure qu’il le conçoit. Non seulement conception et exécution sont réunies dans la même personne mais aussi dans le même temps de travail. On voit à quel point la démocratie dans l’entreprise retarde. Question d’efficacité.

Seules les heures passées à la tâche sont à prendre en compte ? Un prof de lettres qui, le dimanche va au théâtre, il se détend ou il travaille ? Après Tchernobyl, EDF a testé ses capacités de réactivité en cas d’accident dans ses centrales nucléaires. Il ressort que cette réactivité est dépendante du bien être ou du stress des personnels concernés. Tiens ? Les congés payés font partie de la sécurité nucléaire ! Nombre d’entretiens d’embauche font – sans le reconnaître – ressortir que l’employabilité (quel mot !) dépend aussi de la manière dont la personne s’immerge dans la société, donc de son « temps libre ». Le hors travail participe aux « compétences ». Question d’efficacité.

Travail domestique et société : pour des enfants en bas âge, il y a des personnels qualifiés ; c’est un rôle social. Et des parents ou grands-parents qui s’occupent des mêmes, ce n’est plus un rôle social ?

Qu’entendre par richesse pour une société ? Un chiffre d’affaires ? Ou sa capacité à se développer en répondant aux besoins de la personne et en favorisant ses capacités à apporter aux autres ? Pour cela, le rôle des services publics est déterminant. Question d’efficacité. Les USA ont pu s’en passer en pillant la moitié de la planète.

Dès lors, quid de la rémunération ? Il y a déjà une reconnaissance implicite qui provoque des brèches dans le rapport salarial : les congés payés, les congés de formation professionnelle, les congés maternité qui participent à la reproduction de la société…La rémunération ne devrait-elle pas être la reconnaissance de l’unité de l’activité humaine donc être à vie en fonction de la qualification ?

Nous sommes dans l’actualité. Déjà des jeunes refusent de s’intégrer dans des normes qui nient la personne. Disputer pied à pied les critères managériaux, c’est se libérer.

Pierre Zarka