Drôle de rentrée. Pour commencer par le côté pile, c’est d’abord le soulagement mêlé de fierté d’avoir déjoué les pronostics d’une victoire de l’extrême droite. Premier enseignement : les syndicats et la société civile peuvent participer d’une dynamique, d’un « état d’esprit » unitaire qui pèse sur le réel, il a beaucoup compté que ce soit dans la constitution même du NFP ou au moment de faire « front démocratique » en vue du second tour. D’un point de vue syndical domine le sentiment d’avoir su, devant l’imminence du péril, faire un pas de plus, certes en prenant quelques risques, dans l’implication dans une dynamique politique, celle du Nouveau Front populaire pour ce qui concerne la FSU et la CGT, et aussi dans celle qui a limité ses expressions à faire « front démocratique » contre l’extrême droite, cette fois-ci dans un cadre à 5 syndicats, tout en préservant, c’est du moins ce dont nous avons été soucieux, notre indépendance. Un deuxième enseignement : la période appelle à faire du neuf sur les relations syndicats – partis, qui ne sauraient être l’instrumentalisation des uns par les autres, mais qui ne sauraient être non plus une course « chacun dans son couloir ». Les syndicats partent toujours du point de vue du monde du travail et ont des exigences qu’ils maintiennent quelles que soient les forces au pouvoir, car ils sont fondamentalement des contre-pouvoirs. Il faudra formaliser davantage, sans les figer, les cadres d’échange et les cadres militants partout sur le territoire.
Tous les possibles sont ouverts. La victoire relative du NFP confirme l’aspiration d’une part importante de la population à la rupture avec les politiques néolibérales qui, sur fond d’austérité budgétaire et d’injustice fiscale sacrifient les salarié-es et les services publics. Cette victoire a déjà permis des succès, qu’il s’agisse de l’abandon de la réforme de l’assurance chômage, de l’éloignement de la perspective d’une nouvelle attaque contre le statut de la Fonction publique, ou la remise en question, certes très partielle, du « choc des savoirs ». Quand bien même ce ne serait pas un gouvernement NFP qui était nommé (ce qui est inconnu à l’heure où ces lignes sont écrites), de nouveau les leviers existent, cela redonne du courage pour les luttes. C’est bien la grève générale en 1936 qui a permis d’imposer les conquêtes sociales du Front populaire, la victoire de la gauche avait donné confiance, les attentes étaient immenses et la conscience qu’il fallait se battre pour les concrétiser aussi. De ce point de vue, les parallèles avec la situation actuelle sont nombreux.
Mais justement parmi la face sombre de la situation politique de rentrée, il peut y avoir à l’inverse le découragement des salarié-es face à un pouvoir qui, quoi qu’il arrive, grèves et manifestations ou vote, s’accroche et mène inexorablement la même politique. Et le NFP, dans la V° République, n’a « pas autant » gagné que son ancêtre de 1936…
Donner confiance pour que les luttes montent en puissance est donc notre tâche du moment, nous devons, tout au long du mois de septembre, mener tous les combats qui préoccupent directement le monde du travail, par exemple celui contre le choc des savoirs qu’il faut continuer à « enliser ». Tout cela doit préparer une mobilisation d’ampleur au moment du budget, début octobre.
Nous attendons le soutien concret des partis du NFP sur ces luttes, tout comme ils peuvent compter sur une expression positive de notre part sur les mobilisations plus directement politiques auxquelles ils appellent comme le 7 septembre. Les citoyen·nes rassemblé·es, les jeunes, les syndicats, les associations, ceux et celles-là même qui ont permis le succès du NFP, doivent continuer à se mobiliser pour exiger le respect de la volonté des électeurs et des électrices et notamment la mise en œuvre du volet d’urgence du programme du NFP.
Benoit Teste, secrétaire général de la FSU
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