Au moment où j’écris, on nous fait attendre la suite « d’en haut » comme si c’était au-dessus de nous, que tout se jouait, qu’une fois la législative passée, là s’arrêtait notre rôle de citoyen/ne. Et plus on attend la décision de Macron plus on en fait Le Roi. Les « ministres démissionnaires », sont devenus des ministres intouchables. Le gouvernement n’existant pas, le Parlement ne peut plus lui demander des comptes. Nous vivons un coup d’État permanent. Et si on se rapporte aussi aux millions d’hommes et de femmes désabusé/es, on peut considérer que pour les deux camps le système de « démocratie parlementaire » est grippé.
Nous vivons une vraie crise de régime. Ce mot crise dit que cela ne peut pas continuer, ni rester en l’état ni revenir en arrière. Que reste-t-il ? Soit l’enlisement vers un déclin comme cela s’est parfois produit dans l’Histoire, soit un franchissement net d’époque. Cette seconde solution est tentée par Macron : coups de force par 49-3 et/ou période de transition gouvernementale qui n’en finit pas.
On utilise l’état des forces à l’Assemblée nationale comme devant faire de l’acceptable pour le loup et l’agneau, comme si faire de l’eau tiède était raisonnable. Et nous ? Allons-nous répéter « Union de la gauche » ? Comme dans les années 1970, comme en 81, puis comme en 88 ; comme en 97 comme en 2012 ? Ou devons-nous prendre à bras le corps la nécessité de briser le cadre institutionnel qui nous enferme ? Oui, « briser » !
Le législatif c’est le peuple, au-delà de la distinction des électorats. Les résultats disent combien le vote NFP, les abstentions et même pour une part l’exaspération qui a poussé vers le RN, une majorité de femmes et d’hommes ne veulent plus de ce système où à tous les coups ils sont perdants. Mais là un enjeu apparaît : la nature des mobilisations populaires et des générations montantes : récupération par le capital ou processus de ruptures ?
Que recèle cette période chaotique et contradictoire ? Désir de Justice et désir de pouvoir envisager son devenir avec confiance. Besoin de reconnaissance de soi. Donc d’une identité collective. Là on est devant ce choix : monde du travail ou « français de souche » ? Or depuis les retraites, les personnes indispensables sont devenues : les soignants, les éboueurs, les raffineurs de pétrole, les cheminots, les enseignants…bref, le monde du travail. A l’opposé se trouve le monde de la finance. Cette identité collective croissante se heurte à un double obstacle : Être citoyen/ne seulement le jour d’une élection et/ou croire que l’extrême droite est hors système. Qui sera le plus audible des milieux populaires délaissés ? N’est-il pas temps qu’au cœur du tumulte commence à émerger des pistes de solutions ? Ne peut-on pas faire du sentiment d’injustice une clé pour dégager de nouveaux moyens ?
Le nouveau Front Populaire l’a-t-il saisi ? N’est-il pas encore trop sur le registre « on vous a entendu, on va vous régler ça… » ? Ne limite-t-il pas son champ d’action aux partis ou à « son » électorat ? Ne devrait-il pas envisager que la majorité de la population au-delà de ses préférences partisanes le constitue ? Celles et ceux qui ont refusé la réforme des retraites de Macron ; l’accroissement des inégalités, la destruction des services publics et de la nature. Les atteintes croissantes aux libertés ? Forts du message du résultat électoral (encore une fois, pas seulement celui du nouveau Front Populaire) ne peut-on pas faire de cette période d’instabilité et du sentiment d’impasse le démarrage d’un investissement de la sphère politique par la foule ? Pas la foule idéalisée mais comme lieu de confrontations d’idées et d’expériences pour élaborer et imposer en actes des mesures réellement transformatrices.
Pierre Zarka
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