Ça y est, « Par la porte ou par la fenêtre » est en salles. Le titre reprend les propos de Didier Lombard, PDG d’Orange, illustrant ce qu’il comptait faire des salariés : les virer par tous les moyens et ces moyens ont conduits plusieurs dizaines de personnes au suicide !
La couverture de presse a été très importante à l’époque mais ce que retrace intelligemment ce film c’est le pourquoi et le comment. On voit le long travail de l’intersyndicale, où le rôle de Solidaires est central, pour faire avancer le dossier, le dépôt de plainte, le travail de l’inspection du travail… jusqu’au premier puis au second procès. On mesure la détresse, la colère, l’indignation et on se dit qu’il fallait être sacrément costauds et déterminés pour faire tout ça ! On comprend la déception et parfois la colère devant le verdict. Oui, les patrons font toujours appel, oui, ils tablent sur le découragement, sur une justice lente, bien trop lente…
« Par la porte ou par la fenêtre », en partie financé de manière participative, est le fruit à la fois du travail de l’intersyndicale d’Orange qui a su, pendant plus de dix ans, sauvegarder un cadre collectif, pas sans tension certes mais avec responsabilité, et d’un groupe de salarié·es qui a souhaité laisser une mémoire de cette aventure. Le film évite l’écueil de la suite de témoignages forcément poignants, le jargon militant, le film-tract au profit d’une explication didactique sur le pourquoi et le comment à l’aide de témoignages de salarié·es, de représentant·es du personnel et d’images d’archives habilement choisies. On remonte à l’époque de la Poste, de la modernisation des services publics, de Michel Rocard, jusqu’à la mise en lumière des conséquences de l’ouverture à la concurrence puis du changement de statut. Ensuite, il faut « adapter » les salarié·es au travail avec une difficulté spécifique : une bonne partie sont toujours fonctionnaires donc « protégé·es » par le statut. Enfin protégé·es… Un des intérêts du film est de montrer la « mécanique ». Si le triumvirat de direction remplie sa mission sans état d’âme, s’ils sont convaincus de la justesse de leurs choix de direction d’entreprise, le film rappelle que Didier Lombard a été plusieurs fois distingué comme PDG de l’année et félicité par le gouvernement de l’époque… On est donc au-delà d’un président « pervers » ou « mauvais ». On a presque envie de dire, au contraire ! C’est donc le système qu’il faut interroger et ses conséquences sur le travail. Comment peut-on souffrir de son travail au point de décider d’en finir ? Quel travail fait-on ? Pour qui le fait-on, comment le fait-on ? Ces questions sont également fondamentales pour lier la réflexion sur la production et sur les bouleversements environnementaux : quelle responsabilité de ce qu’on produit et de comment on le produit ?
Ce film est fait pour réfléchir et pour agir. Il donne lieu à des débats après les projections, un moment pour échanger autour du travail qui rend de plus en plus souvent malade : comment briser le silence, comment investir le champ politique avec le travail et pas seulement avec l’emploi ? Tracer des pistes pour retrouver le chemin de l’action collective. Rien que pour cette intention clairement affichée, « Par la porte ou par la fenêtre » , il faut voir « Par la porte ou par la fenêtre ».
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