Le contexte calamiteux qui a donné lieu au bricolage en extrême urgence de la NUPES après le premier tour n’augurait pas d’un immense champ de possibles vertueux et durables. Cantonnée à l’opposition au soir du second tour dans un parlement marqué par l’absence de majorité présidentielle et une présence historique de l’extrême droite, et en l’absence de tout projet commun de transformation, cet attelage n’avait qu’un seul véritable choix : ou bien se contenter du socle minimal d’une plateforme d’accords dans la plus pure tradition programmatique, ou bien inaugurer de nouvelles façons de faire de la politique à partir des mobilisations citoyennes autour des questions et enjeux majeurs. Force est de constater que les réflexes de toujours, logiques partidaires et postures partisanes, ont prévalu très tôt. Elles ont de fait obéré toute possibilité à la fois de s’opposer au rouleau compresseur macronien, et à ses alliances réactionnaires avec la droite extrême et l’extrême droite, et de constituer des champs de luttes majoritaires et de nouvelles perspectives d’émancipation sociale et de bifurcations écologiques.
Fort.e.s d’un élan populaire et d’un immense rejet des pratiques en cours, les élu.e.s de la Nupes auraient pu dépasser volontairement l’entre soi de leur fonction représentative au bénéfice d’un exercice inédit de leur mandat en coélaborant dans leurs circonscriptions des positions à mêmes de redonner sens et efficacité, confiance et espérance dans l’action politique. Elles et ils se sont contenté.e.s de reproduire à l’assemblée les postures de leurs partis, parfois convergentes, souvent divergentes. Chacun, chacune s’est sentie agressé et minoré par des partenaires perçus comme agressifs et hégémoniques. A chaque débat de société décisif (violence faites aux femmes…), chaque question sociale majeure (violences policières, révoltes populaires…), chaque enjeu écologique déterminant (le nucléaire…), et chaque grave évènement international (invasion de l’Ukraine, explosion de violence au Moyen-Orient…) la fragile vitrine de la Nupes se lézarde de toute part. Même sur les retraites, une union syndicale inédite et une mobilisation populaire exemplaire de force et de détermination n’ont pas suffi à mettre en échec les pratiques politiques en surplomb. Bien plus, ces failles ne séparent plus les partis entre eux, mais traversent de part en part tous les partis où on débat et tranche en vase clos préoccupés de postures existentielles ! Ces discordances et faiblesses d’une alliance de circonstance aujourd’hui dépareillée n’affaiblissent pas seulement la gauche et l’écologie parlementaires au bénéfice de l’arc réactionnaire, elles installent la désespérance populaire et la défiance citoyenne, obèrent les voix et voies de la paix et de la transformation sociale et écologistes et balisent le chemin du pire. Prendre conscience en quoi et pourquoi la crise de la Nupes lui est constitutive est la seule manière de ne pas nourrir l’illusion mortifère d’un nouveau cartel partidaire aussi condamné à l’échec que ses prédécesseurs.
Faire advenir une véritable alternative systémique, social et écologique, sociétal et civilisationnelle en ouvrant un chapitre inédit de l’humanité contre son anéantissement, invite à faire autre chose de radicalement différent en faisant radicalement autrement. Une alternative politique commune c’est subvertir l’institué, travailler le hors-cadre, ouvrir les imaginaires et œuvrer collectivement pour que chaque citoyen et citoyenne soit pleinement associé à l’ensemble des décisions qui impactent sa vie et ses activités, en tant que transformacteur individuel et collectif, façonnant et donnant sens à la cité, à la société et à notre monde commun, unique et fini.
Makan Rafatdjou
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