Esprit de suite et d'exploration.

Quand les articles du journal font réagir.

N’ABANDONNONS PAS LE TRAVAIL (SUITE)

Cerises a sollicité des syndicalistes en leur demandant de réagir au dossier du précédent numéro.

Travail : parler du réel pour construire l’utopie

Parler du travail renvoie nécessairement à la manière dont les organisations syndicales de lutte et de transformation sociale, se saisissent de celui-ci et le mettent en discussion. Pour ce faire, il est important de penser l’action syndicale au plus près des salarié⸳es, pour comprendre et agir avec eux avec elles sur leur situation quotidienne. Cela peut paraître évident, mais à la fois les contraintes institutionnelles et les pratiques délégataires dans lesquelles un certain nombre de militant⸳es syndicales peuvent s’enfermer, empêchent parfois d’aller dans le sens d’une compréhension fine de ce qui se joue dans le quotidien des salarié⸳es et plus précisément dans leur vécu du travail.

En effet, les reconfigurations de la représentation des salarié⸳es dans les entreprises, qui est allée dans le sens d’une centralisation et d’un éloignement du terrain, ne contribuent pas à développer une pratique de proximité. Le cas de l’élargissement des périmètres des Instances représentatives du personnel (notamment en ce qui concernait les ex-DP et les ex-CHSCT), pose par exemple la question de l’affaiblissement dans les connaissances concrètes des conditions de travail par les élu⸳es du personnel.

Malgré ces difficultés d’éloignement auxquelles se confrontent les équipes, il convient de mettre en avant dans nos pratiques syndicales la nécessite de créer en permanence des espaces et des moments de discussion avec les salarié⸳es, afin de comprendre ce qu’ils elles déploient dans leur travail, ce qu’ils elles souhaitent préserver ou développer. C’est donc par le détail de l’activité sur ce qui se passe dans les lieux de travail que nous pouvons saisir les conséquences concrètes du capitalisme sur les conditions de travail des collègues. Il s’agit de permettre l’expression sur les conditions concrètes de l’exploitation. S’intéresser à la parole individuelle des salarié⸳es sur le travail, c’est construire de manière collective les revendications sur les transformations immédiates à obtenir par la mobilisation.  Parler concrètement du travail permet de développer du lien, de comprendre que ce qui nous arrive au travail ce n’est pas une question individuelle et personnelle, mais qu’il s’agit entre autres des organisations du travail qui nécessitent d’être totalement repensées.

La réflexion sur le travail ne se cantonne pas uniquement à la compréhension et aux revendications immédiates. Cette démarche qui donne la parole peut permettre d’aller plus loin sur la manière dont nous souhaitons transformer et organiser le travail. C’est là que s’articulent les revendications immédiates avec la construction d’un projet de société en dehors du système capitaliste.

A Solidaires, les formations syndicales sur les conditions de travail et plus précisément sur les enquêtes syndicales sur le travail, sont un espace qui permet de transmettre les enjeux de cette pratique militante, afin de comprendre les mécanismes concrets de l’exploitation à partir de la parole sur le travail. Il s’agit de donner une place centrale au récit des salarié⸳es pour construire l’action syndicale revendicative, c’est-à-dire partir du concret pour élaborer une analyse collective et politisée de nos conditions matérielles d’existence.

Lina Cardenas, militante de l’Union syndicale Solidaires

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