Les tenants du capital ont conscience de l’obsolescence de leur système. Né avec la révolution industrielle, celui-ci repose sur l’exploitation du travail et de la nature. Le rapport de forces avec le monde du travail, mais aussi la nécessité d’avoir une main d’œuvre qualifiée et en bonne santé et d’élargir les débouchés par la consommation, les avaient conduits à accepter des compromis keynésiens. Mais aujourd’hui, le renouvellement incessant des technologies nécessite des investissements de plus en plus fréquents et lourds, aiguise les exigences sociales et démocratiques liées à l’élévation des qualifications. Le capital ne peut plus supporter ces compromis. Pour ne pas casser le système, ils cassent la société. Ils s’éloignent du travail : 64% des profits de PSA, Renault ou Leclerc ne sont plus liés à leur métier mais à la spéculation, au pillage des fonds publics et à la surexploitation des autres continents, donc les dépenses en formation, en santé ou en logement ont moins de raison d’être.
L’intérêt des capitalistes pour la consommation est bouleversé : il se concentre sur les secteurs vitaux, là où les dépenses sont inévitables : énergie, alimentation, santé. Là où ils peuvent provoquer des pénuries pour faire monter les prix. Plus généralement, l’écrasement de la consommation leur permet d’éviter de créer des emplois et favorise leur redéploiement. Il en résulte l’aggravation des contradictions entre eux et les peuples, et entre les capitalistes eux-mêmes – d’où les tensions et les guerres.
Il y a aussi une dimension politique : un peuple écrasé, sans avenir, est un peuple soumis, résigné. Après 1968, une réunion internationale des acteurs du capitalisme (Trilatérale) considérait que plus un peuple profitait de la société et plus il en redemandait. D’où le choix de la crise : un conseiller économique de Nixon expliquait, 30 ans après, que le « choc pétrolier » de 1974 ne découlait pas de la volonté des pays producteurs mais d’un diktat des USA menaçant de leur couper toute aide s’ils n’obtempéraient pas.
C’est bien un fait politique. Il est à traiter comme tel. Comment usagers et salarié/es concerné/es se retrouvent dans un mouvement qui organise le non-paiement de ce qui est indu ? Le surcoût de l’énergie est lié au pillage d’EDF et à la disparition de GDF comme cela s’est fait en Angleterre et comme le font certains maires ruraux. Il y a quelques années, en outremer, s’était développé un mouvement qui fixait « le juste prix à payer » pour l’alimentation ; réclamer la gratuité des accès à la santé et aux transports urbains associerait justice sociale et écologie. Tout cela a un coût ? Eh bien que fait-on des milliards évaporés en dividendes ? Chercher des modes alternatifs d’échanges, supprimer l’endettement public à l’égard des banques, en exigeant que les états retrouvent leur pouvoir d’émettre la monnaie sous le contrôle d’organismes où des citoyens sont élus.
Ne sous-estimons pas la possibilité de prendre des initiatives. Les capitalistes sont conscients de leur vulnérabilité : les poursuites judiciaires à l’encontre de syndicalistes ou de journalistes, la volonté d’interdire des associations … cette pente fascisante n’est pas un signe de tranquillité de leur part. Comme les fauves qui se sentent menacés.
Pierre Zarka
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