Peu après le choc de la crise sanitaire, l’inflation est montée en flèche, tandis que les signes annonciateurs d’une nouvelle crise financière apparaissaient. Le risque de récession, évité jusque-là, demeure réel. Mais les réponses néolibérales s’annoncent injustes et inefficaces.
La décélération de l’inflation ne peut masquer une inflation sous-jacente persistante. Au sein de l’Union européenne, priorité est donnée au retour des critères budgétaires en matière de déficits et de dette publics, à la lutte contre l’inflation et à la stabilité financière avec des traditionnels outils néolibéraux et monétaristes. La Banque centrale européenne (BCE), pour qui l’inflation devrait rester forte pendant une longue période a ainsi rehaussé ses taux directeurs.
Or, l’inflation ne provient pas d’une « boucle prix/salaires », ceux-ci étant même dépassés, entraînant une baisse du pouvoir d’achat préoccupante. Les réponses apportées à l’inflation par la banque centrale et les restrictions budgétaires font en réalité le lit à la récession. Elles maintiennent et nourrissent des inégalités déjà aggravées par les politiques budgétaires et fiscales de ces dernières années, notamment en France, et empêchent de faire face aux défis climatiques. Elles sont également une source de tensions voire, dans un tel contexte, sont porteuses de risques de conflits ou d’extension des conflits existants.
S’il est très probable que l’inflation demeure à un niveau plus élevé qu’au cours de ces dernières années, il est toutefois possible et nécessaire de s’attaquer à ses causes réelles, tout en dégageant les moyens de réaliser l’indispensable bifurcation sociale et écologique. Pour ce faire, plusieurs chantiers doivent être rapidement engagés, en France comme au sein de l’Union européenne.
La guerre en Ukraine l’a montré : réduire notre dépendance aux énergies fossiles (pétrole et gaz), importée de Russie notamment, s’impose, la hausse des coûts énergétiques ayant poussé les prix à la hausse dans de nombreux secteurs rendant l’impact global plus important encore. Il faut réduire cette « fossilflation » en développant les énergies renouvelables, en investissant dans l’isolation et les modes alternatifs de transport comme le ferroutage, en augmentant l’efficacité énergétique et, globalement, en organisant la décarbonation de l’économie. La relocalisation de l’agriculture, en privilégiant un modèle paysan, permettrait de réduire les coûts de transports et ceux liés aux conflits. Au-delà, rehausser la part des salaires dans la valeur ajoutée demeure une priorité : cela passe par une hausse des salaires (hausse du SMIC, n’a pas bénéficié du « coup de pouce » depuis 2012, dégel du point d’indice dans la fonction publique, etc.) et l’indexation des revenus du travail sur l’inflation pour garantir le revenu disponible des ménages. Imposer les superprofits qui ont nourri l’inflation (les multinationales ayant conservé leurs taux de marge) et procéder à une réforme fiscale d’ensemble afin de dégager des recettes pour financer les besoins sociaux et environnementaux et réduire les inégalités est aussi une priorité. Enfin, réorienter la politique monétaire européenne pour sortir de la lecture néolibérale et changer la gestion des dettes publiques permettrait de donner des marges de manœuvre aux États pour réaliser cette bifurcation.
Vincent Drezet, porte-parole d’Attac
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