Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

C’est une inflation du capital

La Fondation Gabriel Péri publie un ouvrage dans lequel l’économiste Évelyne Ternant décrit l’inflation non comme un épisode passager ou un choc exogène mais comme dans la manifestation durable de la crise d’un capitalisme globalisé et financiarisé. Elle est une inflation du capital dont la logique de rentabilité entre en conflit avec les besoins de la société.

Selon elle les théories économiques dominantes ne permettent pas de comprendre l’inflation d’aujourd’hui, rappelant que « dès 2016, l’économiste Patrick Artus faisait le constat des impasses théoriques de la pensée dominante en matière d’inflation ».  Ces théories qu’elle groupe selon deux grands courants de la pensée économique : d’un côté la théorie  keynésienne selon laquelle l’inflation est le résultat d’une situation de plein-emploi avec des capacités de production totalement utilisées, ce qui favorise des augmentations de salaires qui déclenchent une boucle salaires/prix. De l’autre la théorie monétariste de Milton Friedman, basée sur « la neutralité de la monnaie », pour qui les causes de l’inflation sont une hausse de la quantité de monnaie en circulation, et donc la création monétaire et donc les politiques keynésiennes de stimulation de la demande. Une théorie à la base des politiques libérales des dernières décennies de libéralisation des marchés : systématisation de la concurrence et privatisation des services publics, déréglementation des marchés financiers et libre circulation des capitaux, déréglementation du marché du travail et généralisation du libre échange international des biens et des services. Or la première conséquence de l’inflation actuelle c’est qu’elle dément ces théories.

La défaillance de ces théories conduit à la défaillance des politiques économiques qui en sont déduites :

  • Défaillance des politiques de limitation de la demande pour faire baisser les prix. 
  • Défaillance des politiques keynésiennes de relance par la demande. Si les mesures d’urgence qu’elles supposent sont indispensables – blocage des prix, hausses des revenus, réduction des inégalités et interventions de l’État et planification – elles ne peuvent résoudre la crise auquel est confronté le capitalisme dans sa phase financière et globale actuelle. Elles ne sont pas suffisantes pour s’attaquer aux racines de l’inflation, qui est d’abord une inflation du capital.

Les causes de l’inflation actuelle sont à rechercher dans les transformations du capitalisme au cours des trois dernières décennies, modifiant le rapport de force capital/travail, « elles ont permis au capital de gonfler ses profits en réduisant les dépenses humaines en salaires, formation, recherche, conditions de travail. Il s’ensuit une crise d’efficacité du système de production qui induit une baisse de productivité globale à laquelle le capital répond par une augmentation des prix pour préserver les profits et les dividendes des actionnaires ».

S’agissant des prix de l’énergie la cause principale réside dans le démantèlement des entreprises publiques et l’ouverture à la concurrence du secteur de l’électricité et du gaz.

Pour combattre une inflation qui n’est ni temporaire, ni générée par des évènements exceptionnels mais structurelle, des évolutions radicales sont nécessaires :

  • Les rapports sociaux au sein de l’entreprise doivent changer, avec de nouveaux pouvoirs aux salariés ;
  • La place de l’entreprise dans la société doit changer, grâce à de nouveaux pouvoirs des citoyen-ne-s sur l’entreprise ;
  • Une appropriation sociale de la création monétaire et le crédit bancaire et reprendre la main sur les banques, à commencer par les banques centrales. Il faut aussi « construire un rapport de force international pour créer une monnaie commune et mondiale et transformer le FMI », face à l ‘hégémonie du dollar ;
  • Mise en place d’une démarche de planification décentralisée et démocratique.

Car pour combattre l’inflation du capital on ne peut se limiter à déplacer le partage, nécessaire mais pas suffisant, de la valeur ajoutée en faveur des salariés, il faut engager des changements profonds pour faire reculer les pouvoirs de décision du capital et faire prévaloir d’autres critères de rentabilité financière !

Olivier Frachon

  1. L’inflation Qui en profite ? Comment la combattre ? Les éditions de la Fondation Gabriel Péri

  2. Page 104

  3. Chapitre 2 : l’inflation expliquée par les courants de pensée dominants en économie

  4. Interview à L’humanité magazine du 12 au 18 octobre 2023

  5. Chapitre 5 : combattre l’inflation dans une perspective de progrès (page 139)

Cet article fait partie du dossier :

euro, money, inflation
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