Le débat complexe de l’identité et sa double dimension subjective et sociale est structurants pour toute société, et donc un véritable défi politique. Pour l’autrice son irruption dans les termes hégémoniques d’aujourd’hui est symptomatique de la crise sociale et sociétale que nous traversons, et de notre difficulté à trouver les réponses adéquates et durables. L’assignation identitaire est corrélatif à la fois à la négation néolibérale de toute société par son atomisation, et à sa fragmentation croissante par épuisement face aux aspirations grandissantes à l’émancipation des ferments traditionnels qui la cimentaient. Elle se traduit par deux logiques d’essentialisation de la différence et de l’universel : des instrumentalisations des notions de genre et de race réduisant l’altérité à une subversion en soi et minorant au passage celle de classe, et la promotion d’une « identité nationale » figée dans une posture de forteresse assiégée nourrissant la diabolisation de toute altérité. Ces deux logiques dominantes et déstructurantes obèrent la recherche d’une alternative émancipatrice, une nouvelle dialectique de la conflictualité historique entre l’universel et la différence, le commun et le singulier. Le livre ne propose de pistes qu’en filigrane de ses critiques elles-mêmes discutables. C’est une tâche politique d’autant plus urgente à penser et à construire de façon inédite que le rôle surdéterminant de l’État dans ces logiques d’ossification de la fabrique des identités demeure un point aveugle, entretenant l’illusion de son intervention neutre et purement régulatrice !
Makan Rafadjou
Soi-même comme un roi, Elisabeth Roudinesco, Éditions du Seuil, 2021, 276 pages, 17,90 euros
A lire également
Les invisibles
« Retour à Heillange »
Monsieur