Le livre délivre (y compris les mobilisations). Alors que commence un nouveau confinement pour casser une 2ème vague de contamination au Covid 19, et où la société craque de toutes parts, le combat pour garder ouvertes les librairies semble être devenu un élément fédérateur.
Il faut bien admettre que la longue liste des exceptions à ce second confinement a transformer chacun d’entre nous en spécialiste des déclarations ministérielles. L’urgence sanitaire et les pressions économiques en tous genres construisent des injustices et des aberrations.
Dans ce moment étrange, la fermeture des librairies et l’ouverture des FNAC (et des rayons livres des supermarchés) a sonné comme un cadeau fait au grand patronat. “Nous avons tous entendu le président de la République nous dire « nous sommes en guerre ». Pourquoi nous priver du meilleur bataillon pour nous permettre d’affronter l’obscurantisme”, s’est interrogé sur Franceinfo vendredi 30 octobre le journaliste et critique littéraire François Busnel. Et c’est bien entendu ici que le combat résonne au cœur d’une actualité tragique où les attentats et les déclarations racistes se succèdent dans un ballet morbide. Le livre devient ici le symbole d’émancipation et de culture. Défendre les libraires indépendants, ce n’est pas seulement défendre un commerce de proximité en péril, c’est aussi défendre une manière de partager la littérature et la pensée.
La fronde prend en quelques heures une ampleur nationale et gagne l’assemblée où Clémentine Autain affirme dans une question écrite au gouvernement :“Quand le gouvernement choisit d’ouvrir les FNAC et de fermer les librairies et les disquaires, il ne fait pas seulement un choix sanitaire, il fait un choix de société.”
La Fnac puis le gouvernement finiront par entendre ces arguments en décidant de fermer les “rayons livres” de tous les commerces. Les images de livres entourés de rubalises tournent en boucle sur les réseaux sociaux. Et l’on comprend vite que cette victoire n’en est pas une. C’est une conclusion provisoire d’un questionnement plus vaste. Ce virus est un mécanisme qui a une force inouïe pour questionner nos modes de vies.
En 2019, seulement 22 % des livres ont été vendu en librairie. Les modes de consommation évoluent dans toutes les catégories de la population. Comment défendre un secteur de l’édition qui a lui même participé à ce glissement vers les grands groupes ? Au delà de la crise sanitaire, comment les libraires peuvent survivre dans un concurrence forcément déloyale ? Quelles règles devrions nous imposer pour quelle régulation ? Les acteurs de l’émancipation doivent également questionner la transformation rapide de l’objet livre en produit de consommation et le secteur de l’édition en machine à communiquer qui tourne en roue libre à chaque rentrée littéraire. Quelle est la place de l’oeuvre quand le capital a le pouvoir ? Notons également que le combat pour ouvrir les bibliothèques est plus discret alors qu’elles sont l’endroit d’un accès démocratique à la lecture. Qu’aurait pensé Elsa Triolet qui œuvrait dans une bataille du livre en distribuant des ouvrages dans les quartiers populaires ?
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