Le 6 janvier 2021 dans la scène finale de la saison 1 de son mandat de 45e président des Etats Unis, nous avions laissé Donald Trump haranguant une foule déchaînée devant le Capitole, prête à en découdre pour finalement lâcher prise après l’assaut raté contre le symbole de la démocratie américaine. Quatre ans plus tard la saison 2 de Fast and furious Trump arrive en mondovision sur nos écrans. Donald Trump qui connait mieux les 15 règles élémentaires pour l’écriture d’un scénario d’un Blockbuster[1]du cinéma américain que les sept articles et les vingt-sept amendements de la Constitution américaine, revient en force. Dans la saison 1, les tableaux du scénario se sont enchaînées à un rythme soutenu : il lança la construction d’un mur entre le Mexique et les États-Unis, retira les Etats Unis de l’accord de Paris sur le climat, de l’accord sur le nucléaire iranien, de l’OMS et de l’UNESCO, relança l’exploitation pétrolière, ironisa sur le changement climatique, appela l’armée pour réprimer les manifestations anti raciales, reconnut Jérusalem comme capitale d’Israël, il donna son feu vert à la colonisation israélienne, exacerba la guerre commerciale avec la Chine, reprit les condamnations à mort au niveau fédéral, menaça la Corée du feu nucléaire, tenta de falsifier les résultats électoraux des présidentielles de l’Etat de Géorgie et appela ses partisans à monter à l’assaut du Capitole. Ajoutons le ratio de décès par rapport aux habitants dû à la pandémie du COVID, parmi les plus élevé au monde et, en continu, des chapelets d’injures sexistes et racistes à ses adversaires politiques féminines, sans compter les salves de menaces ou de basses flatteries à ses homologues chefs d’Etat, tout en tweetant furieusement aussi vite que son ombre. Cette première saison de Fast and furious Trump nous avait laissé étourdi comme à la sortie d’un train fantôme et voilà que les électeurs américains dans une majorité sans équivoque demandent un nouveau tour. L’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche avait été comme un mal de dent qui s’arrête. Mais Trump que l’on croyait fini était en phase avec un contre-courant profond qui parcoure les milieux populaires de la société américaine : le besoin d’autorité, le sentiment d’appauvrissement et de déclassement. Malgré son discours radicalisé Trump a répondu à ces attentes, contrairement aux Démocrates qui ne proposaient rien de neuf. Les « check and balance » des institutions américaines qui organisent la séparation des pouvoirs avaient limité les dégâts de son premier mandat. Trump a aujourd’hui la main sur les trois pouvoirs : exécutif, législatif dans les deux chambres du Congrès et judiciaire avec une majorité acquise à sa cause à la Cour Suprême.
Pour son deuxième opus, Donald Trump s’est entouré d’une nouvelle équipe encore plus testostéronée : son vice-président James David Vance un catholique réactionnaire anti avortement et tenant du grand remplacement, Elon Musk le milliardaire transhumaniste, Robert Lighthizer un ultra libéral, lobbyiste de l’industrie automobile et de l’agrobusiness pro glyphosate ou encore Stephen Miller l’idéologue identitaire qui veut expulser ou interner dans des camps des millions d’immigrés sans permis. Le fasciste suprématiste assumé Steve Banon reprendrait du service. Dans cette meute, les femmes comme Mélania, la femme de Donald Trump ou Uscha, celle de JD Vance, doivent se contenter d’être « merveilleuses et magnifiques » disait-il le soir de sa victoire électorale depuis sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride.
On attend avec inquiétude les premiers tableaux du nouveau scénario écrit par Trump. Les a-t-il même prévus, tant le personnage est imprévisible. On ne sait ce qui l’emportera dans sa personnalité fantasque, son idéologie suprémaciste ou son goût pour les deals qu’il doit gagner. Son entourage fascistoïde qui a un projet réactionnaire de reprise en main sociétale des Etats Unis, le poussera sur sa pente descendante idéologique. A partir de janvier prochain, on peut anticiper le premier tableau d’une rencontre avec Poutine qu’il admire, sur le dos des Ukrainiens et donc des Européens, une nouvelle sortie de l’accord de Paris sur le climat ou une chasse aux migrants. Mais il nous réserve certainement des surprises que nous n’imaginons pas, avec Trump le pire est toujours certain. La Chine sera son adversaire principal, on ne sait pas où s’arrêtera l’escalade, sur les plages de Taïwan ? Netanyahou aura la main libre pour terminer sa sale besogne et pousser l’Iran à la faute, les libertés publiques et l’Etat de droit aux Etats Unis seront remis en cause. En France ses admirateurs applaudissent déjà : les chroniqueurs de CNews, Eric Ciotti, Zemmour. Le RN plus prudent jubile en sourdine, la stratégie politique de Trump qui parle à l’oreille des déclassés de la mondialisation est la leur.
Dans Notre Jeunesse Charles Péguy écrivait : « Il faut toujours dire ce que l’on voit ; surtout-il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ». Ce que nous voyons avec l’invasion de l’Ukraine, les déchainements de violences au Moyen Orient, les conséquences du changement climatique dues à nos économies et nos modes de vie carbonées, l’effondrement du vivant et aujourd’hui la dérive fasciste des Etats-Unis, c’est bien un chaos qui vient et qui nous impactera. Charles Péguy croyait aussi dans la petite et fragile Espérance, car comme aime toujours le rappeler Edgar Morin en citant le poète Hölderlin, « là ou croit le chaos nait ce qui sauve »
[1] En 2005 un scénariste d’Hollywood, Blake Snyder, publiait « les règles élémentaires pour l’écriture d’un scénario » un manuel d’écriture de Blockbuster (faire sauter le quartier) pour relancer l’industrie du cinéma américain : un film doit être construit en une quinzaine d’évènements pivots indispensables pour maintenir l’attention du spectateur
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