Il semble désormais certain qu’il n’y aura pas de gouvernement du NFP dans les prochains mois. Cette situation pouvait être anticipée dès le résultat des élections, étant donné que le NFP ne dispose d’aucune majorité. Cela n’enlève rien au caractère autoritaire du refus de Macron de permettre au NFP de proposer un gouvernement. Pourtant cette impossibilité est aussi une chance car elle permet de construire un mouvement d’ensemble des forces politiques et sociales de gauche capable de battre l’extrême droite en proposant une alternative désirable pour la majorité de la population. Pour ce faire nous devons reproduire ce qui a été réalisé en juin, c’est-à-dire la jonction du social et du politique.
Nous devons mener une mobilisation de haute intensité – une mobilisation permanente sur plusieurs mois, voire années – dans laquelle tout le monde mène dans le même geste campagne contre l’extrême droite et pour un programme de rupture. Pour cela deux possibilités qui ne sont pas excluantes. La première est de réaliser l’unité totale des organisations sociales et politiques qui proposeraient des axes de campagne, des dates de mobilisations et la mise en place de collectifs unitaires locaux ouverts aux individus afin de permettre à tout le monde de s’emparer de la mobilisation. La victoire aux élections législatives est autant le résultat de la mobilisation des organisations militantes que des initiatives individuelles. Il faut donc permettre à tout le monde de continuer à se mobiliser, de proposer des initiatives, mais cela ne pourra se faire sans l’existence d’espaces pour structurer la mobilisation.
L’autre possibilité est que l’ensemble des mouvements sociaux se « politisent » et mènent d’eux-mêmes cette campagne. En juillet la Coordination Féministe a acté de faire de la lutte contre l’extrême droite sa priorité et d’organiser la prochaine grève féministe du 8 mars dans ce sens. Il s’agit de construire une grève politique contre l’extrême droite et pour quelques axes revendicatifs centraux qui permettent à la fois de lutter effectivement contre l’extrême droite et de proposer une amélioration durable des conditions matérielles de vie : la lutte contre le racisme, la libre disposition des corps, et un triptyque « baisse du temps de travail-augmentation des salaires-développement des communs ». Ce type de réorientation devrait s’opérer dans l’ensemble des mouvements sociaux. Nous devons être capable de sortir des luttes défensives – quelle que soit l’ampleur des attaques à venir – et de saturer les espaces politiques et sociaux de nos propositions.
Cela doit permettre deux choses. La première c’est de continuer à parler d’alternative avec les classes laborieuses de manière continue, de développer des espaces communs, de préparer autre chose que le chaos néolibéral. C’est seulement ainsi que nous pourrons peut-être arriver à battre le RN et à imposer un pouvoir politique de gauche dans un futur plus ou moins rapproché. La seconde c’est d’imposer, une fois la prise de pouvoir par le NFP, qu’un programme social soit réellement appliqué. Une victoire électorale du NFP après une intense mobilisation rendrait le NFP partiellement dépendant de cette mobilisation. Si cette mobilisation a lieu, elle peut permettre une polarisation plus à gauche du NFP. C’est donc aussi un outil pour que le prochain accord électoral ne se fasse pas sous le signe de la « respectabilité politique » – de la capacité de la gauche à rassurer la bourgeoisie que rien ne changera. Mais cette mobilisation nous donnerait aussi de la force et du pouvoir. Si elle était victorieuse elle démontrerait que nous pouvons gagner, que nous pouvons décider, que nous pouvons changer le cours des choses. Or ce pouvoir, une fois obtenu, nous pourrions aussi l’utiliser pour déborder le NFP si celui-ci choisit un destin à la Syriza ou pour nous projeter plus loin encore que l’horizon proposé par la gauche institutionnelle. Car si rien ne garantit de victoire et que nous sommes plus proches de tomber au fond du précipice que de gravir la montagne, il est certain que la prise de conscience de leur pouvoir par les subalternes en lutte est une condition inaliénable de la possibilité effective de réaliser l’escalade.
Arya Meroni, militante à l’AG féministe Paris-Banlieue (membre de la Coordination féministe)
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