La situation en Kanaky a fait les titres des médias au printemps. Plus exactement, un pan de la situation : les violences dans une partie du territoires. Comme souvent, peu de médias ont contextualisé ces événements, à commencer par le fait qu’ils se situent dans un territoire colonisé, avec tout ce que cela signifie d’inégalités, de discriminations, d’injustices, de haines accumulées.
L’attitude de l’Etat français a été celle habituelle du colonisateur : provocations, mépris et répression. L’arrestation de militants et militantes de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), la déportation d’une partie d’entre eux et elles en France, en furent les points d’orgue. Nombre d’appels ont été lancés pour la libération des prisonniers et prisonnières politiques Kanak ; encore tout récemment, sur l’initiative du collectif Solidarité Kanaky, une tribune rassemble de nombreuses signatures.
En France, depuis les élections européennes et ses suites institutionnelles, la Kanaky est passée au second plan … finalement, peut-être bien que ce n’est pas la France !
Après avoir changé de circonscription pour être réélu, l’ex rapporteur du projet de loi sur le dégel du corps électoral, à l’origine de la révolte, a effectivement battu la candidate indépendantiste, Omayra Naisseline (52,41% – 47,59%). Si Metzdorf recueille 72,62% des suffrages exprimés sur Nouméa, la militante Kanak rassemble 99,16% sur l’île de Maré, 98,29% à Ouvéa, 97,48% à Lifou, 88,55% sur l’ile des Pins. Dans l’autre circonscription, le candidat indépendantiste, Emmanuel Tjibaou, l’a emporté avec 57,44% des voix ; « une victoire d’autant plus notable que la deuxième circonscription était réputée impossible à prendre par un indépendantiste, au vu du découpage électoral datant de Charles Pasqua au ministère de l’Intérieur, en 1986 », comme le notait Nouvelle Calédonie 1.
Pendant ce temps, l’ex secrétaire d’Etat Sonia Backès, présidente de l’Assemblée de la Province Sud, théorise l’incompatibilité du « destin commun » : « Au même titre que l’huile et l’eau ne se mélangent pas, je constate à regret que le monde kanak et le monde occidental ont, malgré plus de 170 années de vie commune, des antagonismes encore indépassables ». Avec la morgue habituelle des colonisateurs, elle s’est permis de qualifier le système politique Kanak de « féodal », avant de conclure qu’il faut se séparer d’avec la Province Nord et celle des Îles (majoritairement indépendantistes et plus pauvres) et ainsi découper le pays : une nouvelle remise en cause de l’Accord de Nouméa signé en 1998.
Le séparatisme est donc encouragé par les forces gouvernementales, dès lors qu’il est colonial, bourgeois et raciste !
A l’inverse de ces théories et pratiques discriminatoires, l’Union syndicale des travailleurs Kanak et des exploités (USTKE), donne une leçon de solidarité de classe. L’USTKE est partie prenante du mouvement contre le dégel du corps électoral ; l’USTKE exige la libération des prisonniers et prisonnières politiques ; mais l’USTKE vit dans la réalité du terrain et gère les conséquences envers tous les esploité.es :
« Comment faire face à la crise sociale et économique? Pour notre organisation syndicale, la solidarité fait partie de notre ADN et de ce fait, une banque alimentaire interne à l’USTKE sera lancée le 26 juillet 2024 afin de subvenir aux besoins élémentaires de nos camarades adhérents cotisants qui ont perdu leurs lieux de travail, leurs emplois, leurs activités professionnelles. Au vu du contexte social, économique et politique dans lequel le pays est plongé depuis le 13 mai, nous ne pouvons rester indifférents à ce qui se passe et qui se déroule sous nos yeux!
Cette situation est très difficilement vivable pour nos populations les plus défavorisées des quartiers Nord de Nouméa et du Grand-Nouméa, des villages, des communes de l’intérieur et des Iles, et la population la plus ciblée, impactée qui est celle vécue par nos adhérents cotisants qui ont perdu du jour au lendemain leurs outils de travail parmi lesquels des centaines d’entreprises ont été incendiées, cramées, détruites. De nombreuses enseignes sont partiellement saccagées et contraintes de cesser leurs activités, temporairement ou définitivement, entraînant des licenciements massifs et par effet domino, une augmentation rapide du chômage et d’une perte de leur pouvoir d’achat. Des salariés se retrouvent donc sans emploi, avec comme seule perspective le chômage partiel ou total spécifique par rapport aux exactions débutées à la mi-mai. […] Le secteur public n’est pas sans reste puisque des écoles primaires de Nouméa, du Grand-Nouméa et des établissements du secondaire ont fait les frais de cette violence inouïe et incontrôlable. En termes de chiffres, à ce jour sur plus de 66 000 emplois recensés dans le secteur du privé, plus de 20 000 salariés se retrouveront au chômage d’ici la fin de ce mois de juillet ce qui n’est pas de bon augure pour les ménages sans enfant ou avec enfants, les mères célibataires avec enfants, les familles nombreuses etc… Les situations précaires existaient avant le 13 mai mais elles vont s’empirer d’ici-là.
[…] dès la deuxième semaine qui a suivi la révolte sociale du 13 mai dernier, la confédération s’est attachée à réfléchir sur une action solidaire au travers de la mise en place d’une banque alimentaire à l’échelle de notre organisation syndicale. Ainsi, l’USTKE avec l’aide de l’ASOES (Association de la Solidarité Ouvrière et de l’Entraide Sociale) y compris les onze fédérations composantes de la confédération ont adopté le principe d’une banque alimentaire afin d’aider dans l’urgence au mieux nos adhérents cotisants touchés de plein fouet par la destruction de leur lieu de travail, notamment les entreprises brûlées, incendiées au lendemain du 13 mai dernier. Camarades, par le passé, l’USTKE a effectué de grandes actions de solidarité pour venir en aide aux populations dans le besoin dans le Pays et à l’extérieur sur le plan régional et international. Aujourd’hui, c’est notre population d’adhérents qui est frappée par cette crise et nous devons nous lever et nous entraider. Il faut que l’on se mobilise tous, individuellement et collectivement dans nos structures, confédérale, fédérales comme provinciales dans le pays pour contribuer soit par des dons en nature, en argent, participer aux activités organisées par l’ASOES et nos structures afin d’approvisionner notre banque alimentaire qui pourra ainsi répondre en partie aux besoins élémentaires de nos adhérents. »La classe ouvrière, les Kanak et les exploités, organisent la solidarité ! « Usines, tribus, même combat ! »
L’appel de l’USTKE est destiné à ses membres, mais la solidarité internationale doit aussi se mettre en marche pour nos camarades. Soutenons leur banque alimentaire !
Le compte dédié à cet effet : USTKE/SOLIDARITES – IBAN : FR76 1749 9000 1319 0881 0206 218 – BIC : BCADNCNN – Domiciliation : BCI Mairie
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