La naissance du Surréalisme, dont on fête le centenaire, doit tout à l’amitié incandescente de Louis Aragon et André Breton, qui se sont rencontrés en 1917 au Val-de-Grâce, pendant leurs études de médecine. Avant leur départ au front, ils ont partagé des lectures fondatrices comme celle de Lautréamont, haï la guerre et les discours de propagande, et participé à la révolte Dada avant de devenir le noyau d’un groupe fluctuant. En 1919, alors qu’Aragon est encore mobilisé, Breton et Philippe Soupault inventent ensemble l’écriture automatiqueet Les Champs magnétiques précède l’acte de naissance officiel du Surréalisme : en octobre 1924 paraissent à la fois le Manifeste du surréalisme de Breton et Une vague de rêves d’Aragon : « Qui est là ? Ah très bien : faites entrer l’infini ».
Le Surréalisme a été une révolution dans l’art qui s’est voulue d’emblée politique. Après une première tentative avortée des deux amis en 1920, l’adhésion au Parti communiste en 1927 fut collective : Aragon, Breton, Eluard, Unik et Péret. Mais les suites de la participation d’Aragon et Georges Sadoul au Congrès de Kharkov de 1930 et de la publication de Front rouge en 1932 − « L’Affaire Aragon » −, Breton et Aragon rompent définitivement. Aragon, exclu du groupe, se tourne vers le réalisme, dont la qualification de « socialiste » peut être discutée, écrit des romans, pratique le journalisme − des activités honnies par Breton − et reste notoirement fidèle au Parti jusqu’à sa mort en 1982.
Dans les années 60, Aragon est revenu sur les circonstances de naissance du Surréalisme, qui n’a cessé d’irriguer son œuvre, romans réalistes compris. Après la mort de Breton, il publie dans Les Lettres françaises, journal culturel qu’il dirige, deux articles capitaux pour en éclairer les sources : « Lautréamont et nous » en 1967 et en mai 1968 « L’homme coupé en deux »; ce dernier titre renvoie à la fois au précurseur Lautréamont, à un texte de Breton et au déchirement provoqué par la perte de cet ami de jeunesse.
Josette Pintueles
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