Si l’on pense que la « démo-cratie », c’est l’exercice du pouvoir par le peuple, n’est-il pas temps de revoir où nous en sommes ?
Une bipolarité touche la conception qu’en ont les forces de progrès. Pour celles et ceux qui agissent localement ou sur un thème social ou sociétal, la garantie de ne pas se faire déposséder de son combat est que la démocratie soit bien « en bas » et surtout locale. Pour beaucoup de celles et ceux qui sont animé·es par les affrontements politiques, l’exercice de la démocratie passe par la dimension électorale, afin d’avoir un jour la bonne majorité. Une part de ces dernier·es considère que ce futur ne serait qu’une étape avant une nouvelle renvoyée à un futur imprécis. Les deux conceptions ont ceci en commun qu’elles considèrent que l’intervention à l’échelle la plus large passe inévitablement par la délégation de pouvoir.
Cette dissociation ne marque-t-elle pas un des principaux verrous qui limite le passage du social ou du sociétal à la politique ? Est-il possible de la dépasser ?
Dépassement ?
La dissociation qui limite le passage du social ou du sociétal à la politique est encore marquée par des siècles de pratiques où le pouvoir est « en haut » et le peuple « en bas ». Certains le déplorent, d’autres considèrent qu’il faut, bien sûr, être à l’écoute du peuple mais surtout faire à sa place.
Si nous tenons à une définition globalisante de la démocratie, comment faire l’impasse sur le fait que dans les quartiers populaires, elle est synonyme de tasers et pas d’égalité, que pour bien des racisés et des peuples, la démocratie est/était le cache sexe du (post)colonialisme ? Patrick Vassallo développe ce point-de-vue dans son article.
Bernard Friot dénonce aussi cette culture coloniale qui s’exprime dans la criminalisation du soutien aux Palestiniens, et interroge les failles de notre vie démocratique.
Si l’on repense aux Nuits Debout, aux Gilets Jaunes ou à certains mots d’ordre durant le mouvement des retraites, n’y a-t-il déjà la quête d’un « pouvoir-faire » qui cherche à dépasser cette bipolarité ? Lors du 49-3, les partis de gauche ont crié au déni de la « démocratie parlementaire », les manifs ont crié au déni de la démocratie tout court. On peut déjà vérifier que des mouvements profonds de l’opinion pèsent sur les comportements des forces institutionnelles.
Le concept d’autogestion porte une pratique partagée, de même que l’autodétermination ou le coopérativisme. Ces alternatives ont aussi leurs limites. Doit-on pour autant les négliger ? Le pouvoir de faire, à tous les niveaux, dans tous les champs, toutes dimensions n’est-il qu’UN horizon ? N’est-ce pas un outil à part entière de la construction de l’alternative ?
Christophe Prudhomme aborde la question de la démocratie dans le domaine de la santé. Il considère aujourd’hui que la dégradation de notre système de protection sociale et de santé est une atteinte majeure à ce qui doit constituer le fondement d’une société démocratique.
Alors que le mouvement contre le Choc des savoirs se heurte à un 1er ministre déterminé à appliquer SA réforme, Sylvie Larue observe qu’il existe déjà des modes de décision au sein de l’Education Nationale, qui permettent de construire des consensus et de prendre des décisions démocratiques.
En parlant d’expériences positives, Bénédicte Goussault revient sur deux expériences de démocratie locale participative riches d’enseignement.
Pour dépasser la (non)-démocratie actuelle, il s’agit selon Makan Rafatdjou, de sortir des logiques verticales et de promouvoir une logique transversale. Et pour Patrice Leclerc, il n’existe pas plus de démocratie locale que de démocratie globale. Il est urgent de concevoir la démocratie d’abord comme un combat contre l’aliénation.
Construire le (réel) pouvoir du peuple, ou construire une « démocratie du commun », Pierre Zarka et Alain Bertho explorent chacun à leur manière une visée d’émancipation démocratique.
Le comité de rédaction
Merci à Fred Sochard pour ses dessins d’actualité
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