Ou comment procéder à des choix démocratiques et pertinents au sein de l’Éducation Nationale.
Comment les élèves apprennent-ils ? La réponse à cette question peut-elle se trouver dans le seul cerveau d’un ministre et d’un directeur général des services de scolarité, alors que des chercheurs et des acteurs de terrain consacrent leur vie entière à y répondre ?
Prenons l’exemple de la lecture
En 2003, une première conférence de consensus est organisée sur l’apprentissage de la lecture. Il s’agit de confronter le regard des chercheurs et des acteurs de terrain pour construire des recommandations. En 2016, une nouvelle conférence met à jour ses recommandations. Plusieurs phases préparent ces conférences : production d’évaluations, enrichissement du questionnement des acteurs de terrain, échanges lors de séances publiques, diffusion des résultats des évaluations, suivi de la mise en œuvre des recommandations. Deux ans de travail.
Dans les constats de cette deuxième conférence, est mis en évidence le fait que les filles ont de meilleurs résultats que les garçons en lecture, tout au long de la scolarité. L’écart entre les filles et les garçons tend à se creuser. Faut-il en conclure qu’il faut séparer les filles et les garçons comme le propose Gabriel Attal pour les groupes de niveau en français et en maths au collège?
Prenons au sérieux le problème posé par les résultats des enquêtes PISA
Ces enquêtes analysent les performances des élèves de 15 ans en fin de collège en « compréhension de l’écrit », « mathématiques » et « sciences », dans 81 pays de l’OCDE. La France est sous la moyenne dans les trois matières. Le nombre d’élèves très performants diminue, le nombre d’élèves moins performants augmente, et cette tendance est accentuée en France. Le lien entre résultat et statut socio-économique est aussi l’un des plus marqués.
Gabriel Attal en conclut qu’il faut séparer les bons élèves et les élèves en difficulté pour que les premiers puissent avancer sans être gênés par les seconds, qui pourront eux aussi progresser à leur rythme…
Vous êtes sérieux Monsieur Le Ministre ?
Effectifs par classe très supérieurs à la moyenne de l’OCDE, crise de recrutement et formation continue quasiment dévastée sont des données de l’équation. Mais ce ne sont sans doute pas les seules. Alors, si on veut vraiment prendre le problème à bras le corps, ne faut-il pas prendre le temps de dégager les solutions pertinentes ?
Faisons une conférence de consensus sur la gestion de l’hétérogénéité du groupe classe
Partons des résultats des recherches didactiques et pédagogiques qui montrent qu’il faut privilégier le groupe classe hétérogène, tout en s’autorisant à constituer de manière ponctuelle et provisoire des groupes homogènes selon des besoins spécifiques, en favorisant les changements de groupes, et en permettant aux groupes d’élèves forts de coopérer avec un groupe d’élèves faibles. Confrontons ces résultats aux pratiques des acteurs de terrain et travaillons à une organisation scolaire qui favorise les pratiques collaboratives au sein du groupe classe.
Construire une légitimité démocratique
Gabriel Attal agit par décret car il n’a aucune légitimité démocratique. Il se garde bien de proposer une nouvelle loi qui remettrait en cause le collège unique car il n’a pas de majorité parlementaire pour le faire.
Parce qu’il dépasse le caractère corporatiste, le seul débat démocratique qui existe aujourd’hui sur l’école, c’est celui qui s’élabore dans les assemblées générales de parents, d’élèves et de personnels – des enseignants aux AESH en passant par les personnels de direction – qui sont vent debout contre le « Choc des savoirs ». Il est de la responsabilité de chaque force organisée, qu’elle soit associative, syndicale ou politique, de le rendre visible, de le faire grandir et de lui donner toute sa légitimité.
Sylvie Larue
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