Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Capitale européenne de la culture : trompe-l’œil et faux fuyants…

Le dispositif « capitale européenne de la Culture » a été créé en 1985 pour mettre en avant des cités participant à la valorisation culturelle de l’Europe, et par là même à conforter le « sentiment européen ». 

Au ministère de la Culture, une première étape franchie le 3 mars laisse quatre villes en lice pour obtenir le prestigieux label de capitale de la Culture en Europe : Bourges, Clermont-Ferrand, Montpellier et Rouen. La lauréate sera connue à la fin de l’année.

Les moyens mobilisés sont conséquents. Tant par les communes et autorités locales que par divers partenaires, comme on dit. Derrière ce label, se déploie toute une conception de la culture, évènementielle, naviguant entre grandes métropoles à travers le continent. Favorisant le grand spectacle. Souvent au détriment des cultures populaires locales. La diversité n’y est pas une priorité ; la culture du travail et le patrimoine industriel sont les parents pauvres. Les matrimoines totalement ignorés. L’examen des dossiers 2023 le confirment ; l’expérience marseillaise en 2013 illustre ce concept. Si personne ne peut contester un équipement comme le MUCEM et diverses réalisations dans la 2e ville de France, force est de reconnaître que le réseau des « petits lieux », des arts de la rue, du spectacle vivant « modeste », etc n’en n’a guère profité… La grande masse des moyens a permis un « nettoyage » du Panier et une « boboïsation » autour du vieux port. Ce ne sont pas les réalisations immobilières de standing qui le démentiront. Ni les morts de la rue d’Aubagne ou l’aggravation du bâti scolaire et ancien dégradé…

A Montpellier comme à Saint-Denis, l’évènementiel a pris le pas sur la culture vivante. Villes métissées et cosmopolites, on aurait pu attendre une reconnaissance, une ode au dialogue des cultures méditerranéennes et mondiales. Que nenni ! Montpellier s’est associé – comme Clermont-Ferrand d’ailleurs – une série d’autres communes de la région, Sète en particulier. On n’a pas traversé la Méditerranée…  La candidature de Saint-Denis a été imposée par la municipalité PS contre une projet de candidature des banlieues, qui réunissait associations, communes et quartiers populaires. 

Pour les actrices et acteurs culturels locaux, l’aubaine risque de filer vinaigre. Les mobilisations montrent du possible. Qu’on aurait sans aucun doute mis bien plus à profit pour des actions culturelles de quartier, du spectacle vivant, à partir des pratiques et identités de la population. 

Le coup de projecteur, dont se targuent les promoteurs du dispositif, se révèle un trompe-l’œil comme les aime Stéphane Bern et la culture savante de la classe dominante. Chibanis, migrant.e.s, descendant.e.s d’esclaves, tous les potes de Carte de Séjour et d’Oum Khalsoum resteront à la marge ? Pas assez « vendeur » ? Pas assez « top » ? 

La mise en avant de quelques locaux demeure un faux-fuyant. Ce sont les tourneurs culturels européens et les promoteurs de réaménagement urbain qui tirent les cordons de la Bourse… Et de cette culture-là.  

A rebours d’une idée capitale qui exacerbe la concurrence entre villes et les phénomènes de métropolisation (voir le numéro de Cerises la coopérative d’octobre 2022), on pourrait rêver des tournées qui irrigueraient le continent comme ménestriers et troubadours avaient pu le faire, valorisant les communs, les coopérations. De pratiques culturelles et artistiques amateures et professionnelles qui donnent à FAIRE ensemble. 

La culture est une cause commune qui mérite mieux que des beaux évènements onéreux et éphémères. 

Patrick Vassallo

Partager sur :         
Retour en haut