Alors que nous sommes nombreux·ses au sein de la gauche radicale, anticapitaliste, écosocialiste, autogestionnaire… à appeler de nos vœux la construction d’une nouvelle expression politique des exploité·es et des opprimé·es, les organisations existantes continuent de s’émietter sans que de nouvelles ne comblent le vide. Au delà de l’histoire propre à chaque courant, la raison de fond tient sans doute à ce moment qui clôt une longue période historique mais ne voit pas encore surgir les outils d’une nouvelle époque. Beaucoup des organisations et des militant·es sont encore issu·es du XXe siècle, forgé·es par cette histoire dominée par le stalinisme et dans une moindre mesure par la social-démocratie et par la volonté de se construire, organisationnellement et idéologiquement, en opposition à ces deux grands courants mais dans un mouvement ouvrier structuré par eux.
Quand le stalinisme s’est effondré, nous écrivions « nouvelle époque, nouveau programme, nouveau parti ». Plus tard, avec la création du NPA nous avons cherché à répondre à ce défi, avec beaucoup d’erreurs certes, mais il faut le souligner sans fétichisme de notre propre organisation, la LCR. Cependant nous avons lourdement sous-estimé à quel point le monde, et pas seulement la sphère politique, avait changé.
Aujourd’hui, les crises écologiques, dont le réchauffement climatique, affectent déjà profondément nos vies, en particulier celles des plus pauvres, et menacent les conditions même de la vie humaine sur terre, les guerres et les violations des droits des peuples, le racisme et les crises de l’accueil des migrant·es mettent en cause la notion même d’humanité, la nouvelle vague féministe révèle la nature structurelle des violences sexistes et sexuelles, le néolibéralisme économique va de pair avec l’autoritarisme d’État et le fascisme est déjà au pouvoir ou menace de l’être dans de nombreux pays… Autant de bouleversements du monde qui ne rendent que plus nécessaire et urgente sa transformation révolutionnaire. Si la révolution n’a pas besoin de parti guide, elle a besoin d’outils politiques, d’un projet de société et de cadres collectifs permettant de réfléchir et d’élaborer une stratégie.
Nos engagements dans la durée ont besoin d’espoir, d’un projet qui articule l’émancipation sociale et politique, la fin de l’exploitation et de toutes les oppressions avec l’impératif de stopper la destruction du vivant, un projet « écosocialiste » parce que vision du socialisme comme produit automatique du progrès et du développement des forces productives entache l’idée même de socialisme.
La politique, si on ne la réduit pas aux élections, n’est pas l’apanage des seuls partis. Mais, parce que nous ne pensons pas l’action politique comme une représentation/délégation, mais comme une construction collective, il y a une place spécifique, irremplaçable de l’organisation politique pour réfléchir et agir en fonction d’objectifs communs, pour penser l’articulation entre différents modes et terrains d’action, entre la construction d’alternatives non capitalistes et l’affrontement à l’État, entre les mobilisations de masse et le terrain électoral… Très concrètement, la démocratie, l’auto-organisation sont essentielles à notre projet comme aux moyens de le concrétiser, pourtant elles n’ont rien de spontané, elles ont besoin à chaque moment d’être encouragées consciemment. Les mouvements sociaux, l’auto-organisation des premier·es concerné·es sont aussi essentiels mais leur intersectionnalité, leur articulation sans hiérarchie nécessite là encore une volonté consciente.
La politique a mauvaise presse et elle le mérite souvent. Ce n’est pas une raison pour renoncer, mais une invitation à l’imagination !
Christine Poupin
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