L’écriture poétique de Chantal T. Spitz ni tiède, ni objective, guerroie contre la dévastation coloniale et la brutalité domestique. Dans cette langue polynésienne, fondamentalement pénétrée d’oralité, audible à toute oreille francophone, elle offre à lire sept nouvelles. Elle y fait entendre l’oralité poétique et populaire polynésienne. Cette langue née de la colonialité est, sous sa plume, remarquablement efficiente à révéler les souffrances du peuple Māʻohi.
Dans chacune des sept nouvelles l’autrice harcèle la doxa néocoloniale puissante. Elle est bâtie sur le double mythe redoutable d’une colonisation consentie par un peuple Tahitien installé à jamais dans une figure de « bon sauvage » Les sept nouvelles enracinées dans la Polynésie d’aujourd’hui écrabouillent ce mythe. Sept textes qui sont autant de tableaux sombres et violents.
Sans majuscule, sans ponctuation, portant l’humilité et la poésie des dires, les sept nouvelles, de « et la mer pour demeure » sont pour Chantal T. Spitz une exploration des dérives, des douleurs de la société polynésienne contemporaine.
Chantal T. Spitz est la première femme tahitienne à avoir signé un roman en Polynésie française, « L’île des rêves écrasés » (1991), salué par la critique. Elle a depuis écrit trois ouvrages. Elle s’attache à questionner la narration historique officielle qui fait des autochtones de la Polynésie française des figurants passifs de leur propre destinée. Engagée sur le front culturel, indépendantiste, elle participe également au mouvement antinucléaire apparu après les premiers essais français de 1966.
Catherine Destom-Bottin
et la mer pour demeure, Chantal T. Spitz, Éditions Au Vent des Iles, octobre 2022, 96 pages, 12 €
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