Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Rentrée culturelle : Les pierres vont aux clapiers !

Cette rentrée culturelle 2020 restera pour longtemps dans nos mémoires. Cinéma, livre, théâtre, musique : le secteur culturel a été parmi les plus touchés lors de cette crise sanitaire. La France et son exception culturelle ont pour l’instant permis aux structures et aux artistes de “survivre” à la crise. Tous les regards sont à présent tournés vers la rentrée et ses nombreuses incertitudes.

Le premier ministre a annoncé que 2 milliards d’euros sur les 100 milliards du plan de relance seront affectés à la “culture”. Jean Castex et la nouvelle ministre de la rue de Valois, Roselyne Bachelot, ont reçu les acteurs du spectacle vivant. Les détails des chiffres de ce plan de relance révèlent l’orientation générale du ministère. En effet, sur les 440 Millions affectés au spectacle vivant, la moitié sera attribuée au théâtre privé (dont les salles sont quasi exclusivement implantées à Paris…) et le reste des enveloppes seront affectées dans leur immense majorité aux grandes institutions publiques (Opéras, Théâtres Nationaux etc…). Les pierres vont aux clapiers ! aurait dit ma grand-mère. Autrement dit : l’argent va à l’argent.

Alors que la mobilisation des artistes et technicien-ne-s a permis un maintien des indemnités des intermittent-e-s pour une année, le ministère semble confondre allocation chômage et salaires. Alors que les compagnies de théâtre font partie des principaux employeurs du secteur, elles sont une nouvelle fois les grandes oubliées du dispositif.

La France a mis en place un véritable secteur public de la culture au travers des différentes phases de décentralisation et au grès des nouveaux droits et dispositifs acquis (intermittence, CNC, prix unique du livre, droits d’auteurs…). Pourtant depuis plus de 20 ans, une nouvelle génération de cadres culturels ont mis en œuvre  patiemment dans ce secteur, incroyablement créatif et préservé, toutes les méthodes du secteur privé. La loi de l’offre et de la demande impose son calendrier et la lutte fratricide entre les compagnies pour gagner sa “part du marché” a fait reculer la nécessaire solidarité.

Les dernières années ont révélé les ruptures culturelles profondes qui traversent notre pays, entre territoires, entre classes sociales (les gilets jaunes en restant l’exemple le plus lisible). Cette situation, tout comme l’aggravation de la crise démocratique et la centralité de l’urgence climatique, devrait tirer le secteur culturel vers une refondation de son fonctionnement. Si la décentralisation a permis un élargissement des offres culturelles à l’ensemble du territoire, elle n’a pas contredit les logiques d’exclusion sociale et n’a pas permis de faire émerger à grande échelle, une parole poétique populaire capable d’œuvrer à des émancipations collectives et individuelles.

Les artistes et leurs structures de création sont un élément primordial pour inventer une décentralisation de proximité. Partout sur le territoire, les compagnies indépendantes tentent d’inventer de nouvelles manières de faire vivre le spectacle vivant. Formats atypiques, processus de création incluant les populations, présence quotidienne dans des lieux éloignés de la vie artistique (prisons, quartiers populaires, etc…).

En pleine crise sanitaire, le ministère de la culture a choisi de soutenir en priorité le théâtre privé. Son « jour d’après » ressemble au « jour d’avant » mais en pire. La mobilisation des artistes, de leurs structures professionnelles, pour refuser cette orientation passera également par une nécessaire refondation démocratique du secteur culturel.

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