Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

La gratuité est un pacte social

Imaginons une société de la gratuité généralisée. Elle supposerait que nous puissions tous nous servir en fonction de nos besoins. Sauf que nous ne vivons pas dans une société d’abondance et notre prise de conscience écologique nous laisse à penser que cela ne sera jamais le cas.

Dans la société de rareté qui est la nôtre, la monnaie reste le discriminant qui limite nos consommations. Pour autant, tous les services ne sont pas forcément livrés sur une base payante.

Certains sont indispensables et sans ceux-ci, l’économie de marché ne pourrait tout simplement pas exister. C’est le cas de la justice et des services répressifs. Sans lois et règlements, l’économie de marché pourrait vite se résumer dans une société où le plus fort, le plus armé, serait en mesure d’assujettir ses voisins et les réduire en esclavage, négation d’une société où chacun est libre de son travail et de disposer des fruits de celui-ci. De ce point de vue, il ne peut pas y avoir d’économie de marché sans une part de gratuité.

D’autres services gratuits – par exemple : l’éducation, la santé ou les transports locaux – ont été mis en place car on a estimé qu’ils sont plus efficaces pour la société dans son ensemble s’ils sont livrés contre rémunération. De même, avec l’enjeu écologique qui nous impose des efforts de sobriété dans lequel l’égalité entre les individus devient une valeur incontournable, la gratuité fait son apparition sous la forme de quotas mis à disposition pour certaines ressources rares et donc chères comme l’eau ou l’énergie par exemple : une base de X m³ d’eau ou de X kWh au-delà de laquelle les quantités additionnelles deviennent fortement payantes.

Ces services non marchands ne peuvent exister que si des personnes travaillent, ce qui signifie qu’elles auront besoin de rémunérations pour pouvoir accéder aux biens et services qui ne sont pas servis gratuitement. Ces personnes ne travailleront dans ces services que si les rémunérations offertes seront en rapport avec celles du secteur marchand : on doit donc considérer que ces services sont des achats collectifs des ménages qui décident des modalités d’accès qui peuvent éventuellement être gratuites en fonction des besoins ou contingentés.

Gratuité et échanges marchands sont donc condamnés à être intimement liés. La gratuité restera toujours une construction politique résultant d’un pacte social entre les individus avec des arguments en sa faveur ou en sa défaveur. Sa mise en œuvre nécessite une production qui peut très bien être assurée par des entreprises privées lucratives. De ce point de vue, la gratuité est-elle réellement révolutionnaire et présage-t-elle une nouvelle société ?

Benoît Borrits

Cet article fait partie du dossier :

Horizons d'émancipation

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1 réflexion sur “La gratuité est un pacte social”

  1. La gratuité de l’Education ( pas de l’enseignement seul) rend service à la Collectivité puisqu’elle permet de mettre les capacités de tous au service de tous et pas seulement à eux-mêmes via le volume du salaire versé à un employeur. C’est pour cette raison que Le Pelletier de St Fargeau fut l’initiateur de l’ISF de l’époque au motif que la ” Nation ne saurait se priver des cerveaux des hommes issus du peuple. Que le moyen de la gratuité était la mise en place d ‘un impôt payé par les plus riches (“d’Ancien Régime”). Pourquoi par les plus riches ? Parce que leur richesse est précisément due à leur labeur, donc plus ils seront formés… plus ils en tireront profit ! Cette proposition lui coûta la vie. Il s’agit bien d’une question centrale, comme la Santé.

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