Des paysans qu’on pourrait avoir vu dans « la ferme des Bertrand ». Des jeunes qui traficotent à Dakar ou Yaoundé. Des vies qui s’émiettent. Et deux disparitions, successivement. De quoi secouer ce village perché en haut des Alpes.
Dans ce récit choral, à 5 voix parallèles, on pourra lire un reflet rural de « la plus haute des solitudes » (Tahar Ben Jelloun). Le dur labeur des éleveurs, l’assistante sociale de la MSA, le syndicat des Jeunes Agriculteurs, la spéculation foncière, la place du marché, le groupe de jeunes « en communauté », autant de contrepoints en toile de fond de l’enquête que mène un gendarme du cru. Disparues à cause de la tempête ? vengeance de famille sur d’ancestrales rancœurs ? A tour de rôle chaque protagoniste raconte « sa » vérité. Sa solitude.
L’enquête policière est menée avec brio, sans cliché ni facilités. Dominik Moll avait tiré un film de ce roman. La crise agricole a remis dans le devant de l’actualité la lente agonie de nos campagnes et les contraintes abusives de l’agro-industrie et de l’élevage soumis au marché des grandes plateformes. Mais cet aspect de la solitude n’est guère traité dans les réflexions politiques ; et pourtant…
Les dénouements de ce récit en surprendront plus d’un·e. Au fond (des solitudes), tout n’est pas perdu ?
Patrick Vassallo
Colin Niel, Seules les bêtes, Babel noir poche, 2017, poche 2023, 288 pages, 8,40 €.
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