Pour notre gouvernement, la définition de ce terme est la suivante : « La démocratie en santé a pour objectif d’améliorer le fonctionnement et l’efficacité du système de santé en amenant les décideurs à prendre en compte le regard des premiers concernés, les usagers, à travers leur ressenti et leur expérience ». Nous reconnaissons d’emblée ce fameux langage technocratique, ronflant et vide de sens.
Car en fait, cette définition est mise en avant depuis le début des années 2000 et les différentes réformes ayant malmené notre système de santé, en le vidant justement de ses quelques espaces de démocratie formelle. En voici quelques exemples. Il s’agit notamment de la création des agences régionales de santé, avec des directeurs devenant de véritables préfets sanitaires, nommés directement en conseil des ministres et redevables de leurs décisions uniquement auprès du gouvernement. Les différentes instances présentes dans ces agences ont souvent une composition pléthorique, diluant ainsi les différentes représentations, mais ce qui est plus grave, ne leur laissant le droit que de donner des avis que ces directeurs ne sont pas obligés de suivre. Il en va de même dans les hôpitaux où le conseil d’administration, qui était doté de certains pouvoirs de gestion, a été remplacé par un conseil de surveillance, cantonné lui aussi à donner de simples avis non contraignants pour les directeurs d’établissement. En ce qui concerne la représentation des personnels, la transformation du comité technique d’établissement en conseil social d’établissement a aussi rogné ses prérogatives.
En ce qui concerne la fameuse démocratie locale, ont été institués des conseils territoriaux de santé – eux aussi des organismes consultatifs – qui ne peuvent que constater la dégradation de l’offre de soins dans leurs territoires, sans aucun pouvoir d’intervention.
Nous pourrions encore citer de nombreuses structures et comités aux noms ronflants, mais le constat est simple : plus on parle de démocratie, moins ce qui fonde la démocratie, à savoir la capacité des citoyens à intervenir sur les décisions qui les concernent, est effective. La stratégie de nos gouvernants est assez simple, il s’agit de complexifier pour diluer et finalement éliminer toute possibilité d’influer sur les décisions qu’ils imposent, sans aucune obligation de tenir compte des avis des principaux concernés.
Cette situation est mortifère pour un fonctionnement pacifié et respectueux des différences qui fondent la vie en société. Le ressenti de la population est celui d’une brutalité des gouvernants qui peut déboucher sur des réactions en miroir avec des modes d’action parfois violents.
Les questions de santé touchent à l’intime et les patients acceptent de moins en moins de se voir imposer des choix qui concernent leur intégrité personnelle et de subir des conditions d’accès aux soins qui les révoltent. Il s’agit d’un domaine dans lequel la possibilité de donner son avis dans un éventuel débat contradictoire est particulièrement important, afin de pouvoir participer à une prise de décision parfois difficile. Subir aujourd’hui la dégradation de notre système de protection sociale et de santé est donc une atteinte majeure à ce qui doit constituer le fondement d’une société démocratique.
C’est la raison pour laquelle des revendications de plus en plus fortes se manifestent, pour que les citoyens aient le pouvoir de décider de l’organisation de l’offre de soins dans les territoires, afin de répondre à leurs besoins. Que ce soit au niveau de l’installation des médecins, de la présence d’un hôpital à proximité ou encore de pouvoir accéder à des soins sans dépassements d’honoraires.
Il s’agit aujourd’hui effectivement de se mobiliser pour, au-delà des mots et des slogans, pouvoir faire fonctionner une véritable démocratie au sein d’un système de santé et de protection sociale où ce sont les citoyens, tous futurs patients, qui recouvrent un pouvoir de décision sur ce qu’ils considèrent comme nécessaire pour pouvoir répondre à leurs besoins.
Christophe Prudhomme
Conseiller CGT à la CNAM
A lire également
Quid de l’organisation révolutionnaire ?
Le conflit pour faire démocratie
Rennes, une citoyenne à la mairie