Où que je sois, je le suis immédiatement à toutes les échelles possibles : lieu, quartier, ville, agglomération, métropole, département, région, nation, continent, monde ! Et l’ensemble des sphères de ma vie (réseaux sociaux, amis, amours, familles, travail, loisirs, consommation, culture, sport, santé, consommation, déplacements…) impliquent et impactent des échelles de plus en plus multiples !
La condition existentielle des individus, collectifs, sociétés, territoires et écosystèmes est omniscalaire, se déploient à toutes les échelles. Historiquement, et quasi exclusivement, l’articulation et le gouvernement de ces échelles se sont organisés selon une verticalité traduisant et induisant une superposition de niveaux selon des logiques hiérarchiques de domination. Aucune révolution n’a remis en cause ces logiques. Les recherches récentes d’alternatives se sont traduites selon deux modes.
1- Une volonté d’inverser le sens de la verticalité, de substituer la logique ascendant du bas vers le haut à la logique descendant du haut vers le bas. Mais cela ne change pas la logique verticale des niveaux (infra et supra), et maintient une base et un sommet toujours en surplomb. D’où la contradiction entre la volonté de maximiser le pouvoir de la base et la conquête du pouvoir au sommet pour assoir cette logique !
2- Une volonté de substituer à la logique verticale, une logique horizontale se traduisant de fait dans une succession d’échelons (intra et extra) induisant un éloignement grandissant et une dilution des spécificités de chaque échelle.
Trois échelles revêtent une dimension exceptionnelle. Le local, ici la commune, comme l’échelle élémentaire constitutive de toutes les autres échelles, à partir de laquelle chacune et chacun peut déployer les différentes sphères de sa vie à d’autres échelles. Le mondial comme l’échelle la plus globale constituée de toutes les autres échelles. D’où l’importance de conjuguer le « penser global agir local » comme condition de sauvegarde des (biens) communs universels à toute l’humanité dans un monde aux ressources finies, et le « penser local agir global » comme condition de préservation de l’ensemble des singularités sociales et écologiques, sociétales et territoriales qui constituent toute la riche diversité de l’humanité. Enfin, l’échelle de l’État-Nation, fiction juridique issue d’une longue maturation conflictuelle et devenue constitutive de l’incarnation du pouvoir dans les pays occidentaux, et aujourd’hui forme mondialisée plus que problématique !
En réalités toutes les échelles, quelles que soient leur nombre et la forme structurelle et institutionnelles qu’on leur donne, sont en réalité enchâssées les unes dans les autres, des plus petites (micros) aux plus grandes (macros). Le passage d’une échelle à une autre ne relève pas d’une opération homothétique de réduction ou d’agrandissement, chaque échelle, microcosme ou macrocosme, est un monde anthropologique, social, économique, écologique avec ses propres singularités et caractéristiques. Un monde en soi mais jamais un monde pour soi car en interrelations permanentes, à la fois interdépendances et interactions !
Une démocratie réelle ne peut être réduite à un régime, elle relève avant tout d’un agir propre : celle qui inclus et implique l’ensemble des concitoyen.ne.s d’un territoire dans la maîtrise de leur destin collectif. Il n’y a de démocratie que dans un exercice citoyen actif. Dans cette visée, pour que cette démocratie puisse être continue, cela suppose un droit à l’autonomie et un devoir de coopération pour chaque échelle constituée ! A la fois pour permettre à chaque échelle de pouvoir faire et réaliser tout ce qui peut l’être à son échelle, et de mettre en œuvre avec d’autres tout ce qui ne peut l’être sans leur implication. Sortir cette articulation de la logique verticale suppose de lui substituer une logique transversale, et un agir transversal, un véritable trans-faire, qui reconfigure de fond en comble l’organisation des pouvoirs dans les sociétés et territoires dans une logique égalitaire et non-délégataire. Mais elle ouvre de passionnantes mais redoutables débats : y a-t-il peuple et souveraineté qu’à l’échelle de l’État-Nation ?
Makan Rafatdjou
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