L’immigration : cheval de bataille du capital pour diviser le monde du travail et le peuple pour mieux régner.
La loi immigration marque une rupture avec nos principes d’universalité et d’égalité des droits. Ne prépare-t-elle pas la dégradation des droits de toutes et tous ?
Ne remet-elle pas en cause la notion de peuple et de nation tels qu’ils se sont constitués en France depuis la Révolution française ?
Avec la multiplication des échanges, l’interpénétration des économies et des cultures au niveau planétaire, l’extension du phénomène migratoire est devenue inévitable. D’autres problèmes contribuent au développement des migrations : les politiques néolibérales et néocoloniales, les conflits armés, les changements climatiques.
Alors que les libertés de circulation et d’installation des personnes deviennent des exigences de notre temps, elles sont de plus en plus remises en cause. Ne convient-il pas de redéfinir une politique migratoire et un droit international adaptés à notre époque et respectueux des droits humains ?
Comment passer de l’empathie de nombreux français envers les migrant·e·s au rassemblement contre cette loi dans un contexte où nombre de gouvernements stigmatisent les populations immigrées en les présentant comme des terroristes en puissance ?
Crédits photos du dossier : Nizar Ali Badr, artiste syrien
Une ligne brune a été franchie
Avec la loi immigration une ligne brune est franchie : elle marque un point de rupture avec nos principes constitutionnels d’égalité des droits. D’autant que, comme les précédentes, elle n’empêchera pas les migrations. Avec la mondialisation des activités humaines l’extension du phénomène migratoire est inévitable.
Comme le montrent Pierre Colin et Daniel Rome dans un article paru sur la coopérative, dans les 25 prochaines années, on peut évaluer à 16 millions le nombre d’exilé·e·s d’Afrique et du Moyen-Orient qui vont chercher à rejoindre l’Europe. Le changement climatique risque de contraindre 216 millions de personnes à quitter leur pays. Au lieu de réprimer les migrant·e·s, la communauté internationale ne devrait-elle pas aider à résoudre les problèmes qui chassent les peuples de leurs pays d’origine et à se doter d’une politique des migrations adaptée à notre époque et respectueuse des droits humains ?
Jacques Lancier montre que la loi immigration est avant tout une loi anti-ouvrière qui prépare la dégradation des droits de tous et toutes. Or, selon Bernard Friot, toute l’histoire sociale montre que seul l’exercice actif de droits universels, notamment ceux du travail, est intégrateur. Le collectif pour la régularisation des personnes sans-papiers de Rennes fait le point de son activité. Fernanda Marrucchelli pense que la gauche ne devrait plus appréhender les migrations avec une focale « victimaire » sous l’angle des politiques de l’État ou des questions économiques, mais à partir de l’aspect actif et subjectif des projets des migrants eux-mêmes. Pour Pierre Zarka, cette loi remet en cause les notions de nation et de nationalité telles qu’elles se sont constituées en France depuis la Révolution française. Dans le même esprit Gérard Bras interroge : comment constituer un peuple avec les migrant·e·s ?
Pour François Héran, chercher à éradiquer les migrations est un non-sens au temps de la mondialisation des activités humaines. Pour les mêmes raisons, Najat Vallaud Belkacem s’interroge si l’enjeu n’est pas moins d’essayer vainement de mettre un coup d’arrêt aux migrations, que d’en organiser l’accueil ? Gus Massiah évoque les profondes mutations du phénomène migratoire et comment ces dernières appellent une révolution à venir des droits humains.
Le patronat, lui, sait tirer profit des migrations. Catherine Bottin-Destom raconte comment en 1963, le Bureau des Migrations d’Outre-Mer (BUMIDOM) organise la migration de 160000 personnes en vingt ans. Makan Rafadjou évoque l’organisation de la ” fuite des cerveaux “, afin d’attirer les migrant·e·s les plus qualifié·e·s au moindre coût, au détriment du développement des pays d’origine.
Bonne lecture
La rédaction
PS : Le comité de rédaction s’est interrogé sur le sens des mots : migrant·e·s, émigré·e·s, exilé·e·s ou encore étrangèr·e·s. Bien sûr chaque mot revêt une signification particulière et ne recouvre pas le même sens. Fallait-il parler des migrant·e·s, des immigré·e·s ou encore des exilé·e·s ? Le débat est ouvert…
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