Il est compliqué pour un parti électoraliste de voir une partie de ses électeurs se transformer en acteur social. C’est à ce problème qu’est confronté le parti Démocrate avec la grève dans l’automobile lancée par le syndicat UAW (United Auto Workers). Trump n’a pas ce problème puisque le secrétaire de ce syndicat, Shawn Fain, a déclaré : « Je ne vois pas l’intérêt de le rencontrer… car il sert la classe des milliardaires ». Exit donc, pour le démagogue populiste. Pour autant, même en ayant des doutes sur la politique ouvrière de Biden, celui-ci a été accueilli sur un piquet de grève où il a pu s’exprimer, casquette du syndicat vissé sur la tête, face aux ouvriers un mégaphone à la main. Contrairement à ses traditions pro-démocrates, l’UAW n’a pas encore apporté son soutien au candidat dans la course à la présidence de 2024. Il est vrai que ce puissant syndicat a connu il y a quelques années une véritable révolution interne lorsque les syndicalistes de base ont obtenu plus de démocratie interne et ont élu une direction plus combative. Les profits des trois entreprises automobiles, General Motors, Ford et Stellantis, se sont envolés de 4,8 milliards en 2020 à 37,20 milliards de dollars en 2022. De quoi déclencher une colère sociale. La grève, qui a touché au départ plus de 25 000 travailleur.euse.s dans les trois « Big» (sur 140 000 salariés), et s’est étendue jour après jour. Sous la pression de la mobilisation montante, les trois dominos sont tombés les uns après les autres. L’UAW a conclu des accords avec chacun des trois grands constructeurs automobiles. « Les nouvelles conventions collectives constituent un revirement radical après des décennies de concessions » selon la revue de la gauche syndicale américaine Labor Notes. Un accord qui doit être ratifié par les 146 000 membres de l’UAW des trois constructeurs automobiles. Il prévoit notamment des augmentations de salaire de 25% sur quatre ans et demi, dont 11 % immédiatement. Les travailleur.euse.s temporaires ayant plus de 90 jours de travail bénéficieront de la nouvelle convention collective. Les futurs intérimaires deviendront des employés sous contrat après neuf mois d’activités. Le prochain domino qui pourrait tomber est le groupe privé d’hôpitaux Kaiser Permanent (9 millions de patients). 75 000 personnels soignants sont entrés en lutte, avec des grèves perlées. Grève conduite par une coalition d’une dizaine de syndicats. Parmi les raisons invoquées par les travailleur.euse.s de Kaiser pour faire grève figurent le manque de personnel et les bas salaires. Un accord provisoire a été conclu à la suite de l’annonce d’une nouvelle vague de grève. Il prévoit notamment une augmentation des salaires de 21 % sur les 4 prochaines années. Là encore les travailleur.euse.s doivent le ratifier. Le 1er novembre, 4 500 membres du syndicat enseignant Portland Association of Teachers se sont mis en grève. Ils et elles réclament plus de soutien aux élèves en difficulté, des classes moins nombreuses, ainsi qu’une augmentation des salaires. La victoire des travailleur.euse.s de l’automobile a ouvert un nouveau chapitre de la revitalisation du mouvement ouvrier américain, engagée depuis plusieurs années, et de la lutte des classes aux États-Unis.
3 novembre 2023
Patrick Le Tréhondat
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