La décision de Macron de maintenir ce referendum au 12 décembre alors que la situation sanitaire empêchait la tenue d’une campagne électorale dans des conditions normales et que la majorité des décès concernait les kanak est une provocation vis-à-vis de ces derniers. D’autant qu’elle ne respectait pas la période de deuil décrétée par le Sénat coutumier pour une période d’un an. Pour s’opposer à ce coup de force pris contre leur avis l’ensemble des organisations indépendantistes avait décidé une non-participation à un vote jugé illégitime.
Dans ces conditions le résultat a été de 96.49 % de non au processus d’indépendance avec un fort taux d’abstention de 56.13 % alors que celui-ci n’avait été que de 18.99 % en 2018 et de 14.31 % en 2020. Enfin le nombre de voix pour le non a été inférieur de 7397 voix par rapport à 2020. A noter que ce vote s’est déroulé de façon apaisée selon les consignes données par les organisations indépendantistes malgré la présence ostentatoire et provocatrice de forces dites de l’ordre. Au total donc un scrutin certes légal mais illégitime qui ne peut en rien clore le processus de décolonisation dans le calme imaginé par les accords de Matignon et Nouméa et appliqué jusque-là de façon largement respectueuse par les différents gouvernements. Et donc en aucun cas correspondre à la phrase prononcée par Macron lors de la proclamation du résultat « Ce soir la France est plus belle car la Nouvelle Calédonie a décidé d’y rester ».
Force est de constater que la politique menée par le Gouvernement Macron influencée par le MEDEF local et le lobby anti-indépendantiste constitué largement par les néo-résidents continuant la logique de la colonisation de peuplement se situe dans la suite de la politique colonialiste traditionnelle de la France. Certes l’importance du nickel joue dans le sens de cette tradition mais la raison principale est sans doute autre. Le fait que la France soit présente dans la région océanienne – en Kanaky et dans diverses iles polynésiennes – lui permettant de constituer le deuxième espace maritime du monde est un argument pour Macron et autres politiciens pour prétendre jouer un rôle géo-stratégique majeur dans cette région et participer à la compétition entre grandes puissances.
Le choix fait par Macron d’imposer que ce referendum ait lieu le 12 Décembre contre l’avis des indépendantistes et en ignorant ainsi la voie des peuples premiers du « caillou, » pourtant totalement indispensable pour qu’un tel vote soit légitime, a été largement critiqué dans les milieux de tradition anticolonialiste et plus largement de gauche. Mais pas seulement tant ce choix semblait contraire aux politiques menées depuis des années. Pour preuve un éditorial du Journal les Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA) pourtant très loin d’être un brulot gauchiste dont on ne peut que partager la tonalité générale : “ Organiser un référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie sans la participation des indépendantistes qui ont appelé au boycott, décider de l’avenir de ce territoire sans entendre la voix de la majorité de ses habitants est une impasse démocratique. Il y a 33 ans, les accords de Nouméa avaient engagé les deux peuples vers un destin commun et ce processus de décolonisation jusque-là exemplaire aurait dû se conclure ce dimanche de façon définitive et surtout apaisée. Il n’en sera rien et c’est une occasion historique qui vient d’être gâchée …. »
Les jours ont passé. L’ensemble des organisations indépendantistes refuse toute discussion désormais avec un gouvernement qui les a trahis. Le Palika va tenter un recours sans doute vain auprès du Conseil d’Etat pour annuler ce scrutin. Le FLNKS fait des démarches auprès de l’ONU qui a inscrit la Kanaky dans la liste des territoires à décoloniser. L’histoire n’est pas terminée car le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est imprescriptible.
Henri Mermé
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