Après le plus grand mouvement social qu’ait connu le pays depuis l’indépendance, l’Inde fait face à l’explosion incontrôlée de la pandémie de Covid 19.
Depuis l’automne 2020, se sont développées des manifestations d’agriculteurs contre les lois réformant le système agricole indien mis en place depuis la « révolution verte » par Nehru dans les années 50. Celle-ci garantissait jusqu’à un certain point le revenu des agriculteurs, même si elle ne résolvait pas le problème des paysans les plus pauvres et sans-terre, et si son modèle productiviste posait de plus en plus des problèmes graves d’environnement. Les réformes néo-libérales en œuvre depuis des années avaient érodé ce modèle, et les mesures prises par le gouvernement d’extrême droite de Narendra Modi le démantèle totalement. L’objectif affiché est de permettre à l’agrobusiness de prendre le contrôle d’un grand nombre de terres et de faire disparaître toute garantie de prix, objectif soutenu par les géants de la distribution comme l’américain Walmart ou le français Carrefour.
La résistance a commencé avec les paysans propriétaires petits et moyens du Penjab, puis a gagné les principaux états du Nord, et au-delà. Devenant, comme le souligne Vinod Mubayi « le plus important et le plus long mouvement non-violent de protestation de l’histoire »[1] malgré une répression de plus en plus brutale, ralliant d’autres catégories sociales, d’abord les paysans sans-terre, avec notamment la mobilisation du mouvement Ektaparishad, puis dans les villes, notamment les jeunes urbains mobilisés dans le mouvement climat, et le mouvement étudiant, mobilisé après l’interpellation de la militante écologiste Disha Ravi en février. Les femmes se sont aussi levées par centaines de milliers contre un pouvoir machiste dans un pays où les féminicides constituent un problème majeur. En mars, au bout de quelques mois, Benjamin Joyeux pouvait constater : « Modi est en passe de réussir la convergence contre lui[2] ».
Loin de reculer, Modi a accentué la répression, par exemple en ayant recours à l’ancienne loi britannique contre la « sédition » et comme des élections législatives ont été prévues dans cinq états concernant 220 millions d’habitants – dont trois échappant à son parti BJP, il a entamé une agressive campagne électorale, et exacerbé l’idéologie raciste de l’hindutva avec rassemblement de masse aussi bien électoraux que religieux. Ce qui n’a pas été sans influence sur l’explosion de la pandémie de la Covid 19, accentuée par l’apparition du variant B.1.617, très contagieux, aboutissant à l’effondrement d’un système sanitaire préalablement affaibli par les politiques néolibérales.
La combinaison de l’autoritarisme accru du pouvoir d’extrême droite et du désastre sanitaire rendent la situation de l’Inde extrêmement préoccupante, pour ses habitants et pour le monde.
Bernard Dreano
[1] Vinod Mubayri: International South Asia Forum n°228, avril 2021 http://www.insafbulletin.net
[2] Benjamin Joyeux, 17 mars 2021 : https://blogs.letemps.ch/benjamin-joyeux/2021/03/17/modi-en-passe-de-reussir-la-convergence-contre-lui/
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