Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Rendez-vous en 2021

Le gouvernement a présenté, jeudi 3 septembre, les détails de son plan de soutien à la culture, d’un montant de 2 milliards. Secteur d’activité qui pèse près de 2,3 % du PIB (chiffre 2018) et génère 670 000 emplois, soit 2,5% de la population active , soit  sept fois l’industrie automobile ». Ce plan vient « compléter » des mesures transversales et aides aux entreprises, annoncées à un peu d’un milliard par le gouvernement.  

Il est indéniable qu’il s’agit là d’un soutien utile ; on avait cru la culture oubliée des préoccupations gouvernementales. Pour s’en tenir à la dimension économique, les mesures annoncées s’adressent principalement aux structures et entreprises, aux « corps constitués » de l’action culturelle et de la production artistique. Le montant global reste mesuré pour trois raisons :

  • Les dégâts du confinement, des annulations et des conditions dégradées de tenue des spectacles pour raison sanitaire sont bien plus considérables que leurs effets les plus connus ou visibles. De multiples effets induits, périphériques restent « invisibles ». Des fournisseurs de matériaux pour décor, à la restauration et aux hébergements, le prix payé en laisse(ra) plus d’un sur le carreau.
  • La temporalité de la production culturelle et artistique fait que des effets retards nombreux seront à déplorer : saisons annulées, reports, désorganisations, que l’annulation de festivals illustre bien. Sans parler du quasi arrêt des transports internationaux.
  • L’activité de la culture dans un territoire a un impact économique certain, parfois décisif. C’est vrai à Avignon ou à Chalon, mais aussi dans toute une série de villages, du Jura à la Bretagne, en passant par Uzès et Marciac.

La fragilité de bien des compagnies, lieux culturels et artistes risque fort d’être fatal à plus d’un. Le silence commis sur les tiers-lieux, qui abritent des initiatives souvent originales et singulières est une autre source d’inquiétude.

Les collectivités territoriales, qui sont désormais, les premiers financeurs de l’action culturelle  pourront d’autant moins casser leur tirelire que la covid19 a déjà vidé les caisses et aggravé les dettes publiques de façon assez considérable.

Selon le réseau France Festivals, la note est très salée  : jusqu’à 5,8 milliards d’euros de pertes affectant les économies des collectivités locales et des commerçants et menaçant des dizaines de milliers d’emplois dans le secteur culturel

Cette situation ne s’arrête pas aux frontières de l’hexagone.

Tout porte à croire que l’on terminera 2020 avec un nombre de festivals tenus égal à zéro aussi de l’autre côté de la Méditerranée ; asséchant ainsi un territoire national où l’activité festivalière riche et variée a un double objectif culturel et économique. Là aussi les conséquences en termes de trésorerie et d’audiences sont marquants.

Ce qui fait écrire à El Watan que « la Covid-19 a fait mieux que la crise économique, mieux que le terrorisme ».

Or en Afrique du nord et de l’Ouest, les festivals, internationaux, en musique, en danse ou de cinéma, conditionnent non seulement la création, mais aussi la diffusion, le modèle économique et la communication des œuvres qui y sont diffusées. Plus encore quand elles y sont créées.  

Mais l’on ne saurait s’en tenir aux seules considérations économiques.

Ce mois de septembre voit bien le besoin, malgré les peurs et angoisses de toutes sortes, de se retrouver, de parler, de faire la fête. Et pas seulement chez les jeunes et les fêtards. 

La casse ne se mesure pas seulement à l’aune de la frustration du public. On sait combien coûtent l’ignorance et le vide culturel. Comment les obscurantismes se sont toujours attaqués à la culture… Autant sur le plan économique, le bilan dramatique pour certains artistes et acteurs qui se nourrissent de cette activité reste à établir, même si nous savons que l’exception culturelle française a permis d’en protéger beaucoup.

Sur l’autre rive, le régime algérien accompagne la restriction des libertés et du journalisme par un sacrifice généralisé des festivals. L’enjeu est au moins autant politique que financier.

En France, les 100 manifestations les plus courues, rapporte le Figaro, ont accueilli à elles seules plus de 7,5 millions de festivaliers en 2019. Et un Français sur huit participerait chaque année à un tel rassemblement.

L’après-coronavirus

C’est aussi la pandémie de la Covid-19 qui nous donne aujourd’hui la mesure de l’apport des festivals aux économies des États et des collectivités surtout. En France, dont le modèle est éprouvé, la facture de l’annulation des festivals a l’effet d’un séisme dans l’économie des régions. 

            L’ensemble de celles et ceux qui donnent à la culture un sens et l’importance dans la construction du vivre-ensemble, dans l’élaboration de communs devraient avoir à cœur d’ouvrir le débat, d’élargir les discussions pour qu’au-delà de mesures immédiates, s’engagent des évolutions de fond, structurelles et politiques. Dans cette problématique, l’avenir du spectacle vivant et des arts de la rue est décisif.

            Bien sûr, les institutions culturelles ont besoin de soutien. Mais on ne peut s’en contenter. Il y a un grand besoin de redonner de la force à l’accessibilité des couches populaires et des jeunes sans qu’elles soient forcément obligées de se déplacer dans ces lieux clos et de passer au guichet. C’est aussi toute la question des droits culturels qui est ainsi posée ; la création dans toutes ses dimensions et origines ; le besoin de faire ensemble et la place des pratiques amateurs.

            Un sacré chantier en perspective pour ouvrir d’autres possibles.

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