Esprit de suite et d'exploration.

Quand les articles du journal font réagir.

Post-capitalisme, (suite 1) Gratuités et biens communs : alternatives en actes et préfiguration d’un monde désirable

a person pouring liquid into a glass

Être usager d’un bien commun et pouvoir profiter de son usage signe l’appartenance à une communauté de vie.

 Les services publics, l’éducation nationale, la sécurité sociale, etc. sont des marqueurs forts de l’appartenance à la société française. Les biens et services essentiels sont ceux auxquels il faut avoir accès pour pouvoir vivre décemment dans une société donnée. Bien entendu, il n’existe pas de définition universelle de ce qu’est un bien ou service essentiel. Au fond, sont essentiels les biens et services qu’une société estime comme tels. La question de la prise de décision et de la démocratie est donc centrale.

3 exemples de gratuité

Une forme de gratuité peu abordée est celle des obsèques. Elle est hautement symbolique.

C’est assez récemment que les communes ont eu l’obligation de posséder un terrain commun pour les personnes « sans ressources suffisantes » (article L 2223-27 du Code général des collectivités territoriales). Cette obligation, qui est un progrès indéniable, permet aux démunis d’être enterrés avec respect par la Commune. Mais elle marque dans le même temps une séparation en fonction des moyens financiers. Le terrain commun est alors à la fois la garantie d’une sépulture digne et une délimitation au sein de la population.

Le collectif « pour une sécurité sociale de la mort » se bat pour la gratuité des obsèques. Leur proposition est de mettre en place une prise en charge par la Sécurité sociale de 4 000 euros, financée par une cotisation de 0,03 % du salaire brut. Dans les Alpes-Maritimes, à Mouans-Sartoux, la régie municipale assure l’inhumation et la cérémonie, pour un euro symbolique.

Gratuité des premiers m³ d’eau

En France, on considère qu’il faut de l’ordre de 30 m³ par an et par foyer pour vivre décemment, ce qui est parfois appelé « eau essentielle ». Un projet de loi a été déposé par La France Insoumise en ce sens en juillet 2022. Il y a aussi des expérimentations locales dans beaucoup de villes.

A Dunkerque, la grille tarifaire du prix de l’eau est divisée en trois tranches : « essentielle » (1 €/ m³ jusqu’à 80 m³ par an), « utile » ( 2,3 €/m³ jusqu’à 200 m³/an), et « de confort » (supérieur à 200 m3 /an). A Montpellier, les 15 premiers m3 sont gratuits et il y a une tarification progressive.

Ces expériences montrent un chemin : rendre l’eau essentielle gratuite, renchérissement du mésusage en augmentant fortement les tarifs des grandes consommations d’eau (celle de l’industrie et de l’agro-industrie). Il s’agit ici d’envoyer un signal à la société pour utiliser sobrement l’eau.

Il est possible d’aller plus loin avec une gestion démocratique de l’eau pour traiter les conflits d’usage (entre consommation, industrie, agriculture, loisirs en cas de sécheresse par exemple) et sanctionner les mésusages (consommation abusive, pollution, …). L’abonné n’est alors déjà plus un consommateur, mais un usager maître de ses usages.

La gratuité et le développement des transports publics

La gratuité des transports publics est une idée qui progresse rapidement en France, et qui est vécue au quotidien par plus de 2,6 millions d’habitant.e.s. L’expérience montre que cela se traduit par une très forte augmentation de la fréquentation des transports collectifs.

Une part très importante du coût de la gratuité des transports publics doit être financé par les entreprises via le versement mobilité. Il s’agit de contrer une domination sociale inscrite dans le territoire par la création d’un droit.

Il est important de noter que la gratuité ici change la nature de l’objet, car le droit à la mobilité se matérialise par le développement et la gratuité des transports publics, et non par le financement des voitures individuelles.

Les trois exemples précédents montrent que la perspective de la gratuité des biens essentiels dessine les contours d’un monde désirable, où il est possible de vivre mieux tout en préservant la planète.

Mariano Bona

Partager sur :         
Retour en haut