« La mort de George Floyd entre en résonance avec la situation des Noirs du monde entier » Sadiq Khan maire de Londres.
A nos yeux, elle entre aussi en résonance avec la situation de toutes et tous les opprimé.e.s et humilié.e.s.
Étouffé sous le genou d’un policier blanc américain, George Floyd est devenu le symbole des luttes des personnes discriminées du fait de leur couleur de peau, et dont l’histoire de leurs ancêtres a été marquée par la domination coloniale qui continue de nourrir des pratiques racistes. Aux États Unis, c’est un mouvement de fond, tous les États sont concernés et dans plus de 500 villes les manifestations rassemblent une population jeune et mixte. L’ampleur, la durée, la répartition sur tout le territoire étasunien, des manifestations qui font suite à l’assassinat de George Floyd à Minneapolis ont saisi la planète. Maurice Mitchel leader du mouvement Black Lives Matter dans une interview accordée à Mediapart en éclaire le fondement : « c’est le fruit de quatre siècles d’esclavage et de spoliation, de quatre décennies de néolibéralisme et de quatre ans de Donald Trump ». Le soutien s’organise un peu partout dans le monde pour dénoncer les violences policières qui touchent les personnes racisées. Mais nous sommes toutes et tous visé.es : on ethnicise la pauvreté et la répression pour mieux la faire passer auprès des personnes non racisées et à la fois accoutumer à la répression et empêcher tout esprit d’être dans une situation identique, sentiment nécessaire à la conscience de classe.
La presse française passe en boucle, comme elle le fit pour les gilets jaunes, les dégâts urbains de ces manifestations. Mais force est de constater que malgré les menaces de Trump, la désorganisation considérable, les dégâts matériels et les pillages, la plupart des Américains gardent leur soutien aux manifestants et à leurs revendications. Les réseaux sociaux regorgent de messages solidaires. Précisons qu’ici ce terme ne recouvre pas la charité mais la certitude d’être sur la même trajectoire de pauvreté et de répression. Si les sondages ne sont pas l’exacte mesure des rapports de force, deux publications sont encourageantes. Selon Reuters au 3 juin, 64 % des personnes interrogées étaient “solidaires des manifestants” et 47 % ont déclaré qu’elles désapprouvaient la gestion policière des manifestations jusqu’à présent. Seuls 27 % des sondés ont déclaré être contre les manifestations. A la même date selon le sondage de Monmouth 78 % des personnes interrogées déclarent que “la colère qui a conduit à ces manifestations était justifiée ou entièrement justifiée“, et 54 % des sondés considèrent que les manifestations étaient encore justifiées, même en prenant en compte leur déroulement parfois violent.
En France c’est le mouvement de soutien à Adama Traore mort sous les coups de policiers français, qui mobilise plus de 20000 personnes ce mardi 2 juin à Paris et depuis dans de nombreuses villes, et à travers lui, toutes celles et tous ceux qui ont été victimes ces dernières années.
Il y eu aussi cette formidable manifestation pour la régularisation des sans-papiers de samedi 30 mai. Débordant largement le cadre des organisations traditionnelles, les personnes directement visées par les violences, le racisme, l’islamophobie, les discriminations pour l’emploi ou le logement ont pris en main la manifestation et décidé de ne pas rester à la place à laquelle elles sont assignées et c’est une bonne nouvelle.
Ainsi l’auto-organisation progresse; ou plutôt… elle est de plus en plus visible. Des réseaux d’entraide ont permis des distributions gratuites de nourriture. Depuis plusieurs années, de nombreux collectifs ont vu le jour. “Urgence, notre police assassine” aide les familles victimes de violences policières à organiser leur défense. Le collectif a créé une application qui permet de filmer les policiers auteurs de violences et de transmettre les images pour qu’elles soient instantanément sauvegardées.
La période de confinement a rendu plus visible les inégalités qui frappent les quartiers populaires où vit une majorité de personnes non blanches. C’est en Seine-Saint-Denis qu’il y a eu un nombre record d’amendes, que la surmortalité a été la plus importante compte-tenu des conditions de logement, mais compte-tenu aussi du fait que les premier.es de corvée y sont très nombreux-ses : les éboueurs, les caissières, les aide-soignant.es, les brancardiers…
Inégalités sociales et inégalités raciales se nourrissent.
Nous avons tous notre place dans ce mouvement d’émancipation. Au-delà de ce qui est moralement inacceptable, nous sommes toutes et tous concerné.es : le fractionnement organisé d’une société ne s’arrête jamais. Le Capital commence par ceux qui lui semble les plus faciles à discriminer mais est-on sûr que déjà il n’y en a pas d’autres ? Comme pour les gilets jaunes, ou les féministes, que les premier.es concerné.es qui subissent depuis trop d’années les contrôles au faciès, les violences policières et le racisme systémique se mettent en lutte est un formidable atout. Nous sommes confronté.es aux mêmes causes, le combat des uns ne saurait ne pas être celui des autres. Avançons ensemble pour le dépassement de toutes les dominations et toutes les discriminations.
Catherine Destom Bottin, Sylvie Larue, Christian Mahieux, Henri Mermé, Pierre Zarka
Suite à votre article signé du 6 juin “Nous sommes toutes et tous des noirs américains ou français”, permettez-moi de ne pas partager ni votre point de vue ni votre exaltation face à la montée des thèses racialistes et decoloniales dans la société francaise. Société française dont une partie de la jeunesse exprime l’extrême américanisation et l’adhesion à un modèle d’organisation politico-administrative multiculturelle que je ne partage pas. Ni statistiques ethniques, ni quotas, ni inscription des origines de couleur de peau ne régleront jamais selon moi les pbmes de discrimination qu’elles soient systémiques ou non. Les pays anglo-saxons les pratiquant d’ailleurs depuis des générations, n’auraient-ils dū déjà régler leurs problèmes de discrimination ? Ce que les violences inter-raciales et inter-communautaires répétées démentent dans les faits. Pourquoi alors la société française devrait-elle les imiter, y compris jusque dans son organisation juridico-administrative ?
Non à mes yeux il n’y a pas les blanc.he.s d’un côté qui seraient intrinsèquement privilégié.e.s et les noir.e.s de l’autre qui seraient tou.te.s intrinsèquement dominé.e.s.
Ce regard manichéen efface, gomme toutes nuances d’expression, tous les camaïeux des carnations ; annule tous les rapports de classe de ces sociétés (y compris dans les pays d’origine de certains vecteurs du racialisme ici en France : pays d’Afrique noire et du Magrheb notamment) . A fortiori si vous observez avec la plus grande attention les différenciations au sein même de la société américaine ! A fortiori si vous observez avec la plus grande des attentions les différenciations dans les DOM, au Brésil, à Cuba, ici en France, pays par excellence des mixités, des métissages, des mélanges et des droits universels acquis fussent-ils défigurés, voire inégalitaires dans leur gestion. Vous percevrez que des parties importantes des citoyen ne.s sont désormais (que cela soit admis ou non) un mélange des deux et d’autres à venir. Certaines sociétés sont infiniment plus métissées et de sangs mêlés que vous n’acceptez de les regarder en toute objectivité ( les fachos parleront d’une “batardisation”). Une fois pour toutes regardez ces sociétés comme elles sont et leur devenir et non pas telles que certains voudraient qu’elles soient, tant repliés qu’ils sont sur une perception figée, passéiste en noir et blanc ! ( RN et suprémacistes de tous bords dos à dos).
Comment dire encore, avec une note plus personnelle que mes ancêtres du Nord de la France et du pays flamand croisés d’espagnols ayant occupé ces terres pendant 300 ans, paysans, serfs, cultivateurs de chanvre pour le lin dans les marécages de mon village natal, ne sont pour rien ni dans la traite négrière, ni dans la colonisation dont ils ne tirèrent jamais le moindre avantage ! Seule des enfants descendants d’une fratrie de près de 10 enfants à avoir fait des études superieures, je considère que les decoloniaux n’ont guère à insulter ma famille ouvrière et autrefois paysanne ayant abandonné la terre pour aller à l’usine, en l’accusant de maux dont elle ne s’est jamais rendue coupable, au prétexte que ses membres sont nés blancs !
A mes yeux, seuls les combats pour l’extension des droits universels (Sécurité sociale, retraite par répartition, droit fondamental à l’alimentation, à la Santé, à l’éducation, à la connection…), le sauvetage des services publics violentés partout par le management à l’américaine, contre l’ intoxication libérale de nos sociétés mondialistes me concernent. Jamais je n’apporterai mon soutien à quelque combat racialiste que ce soit.
Bien sûr, je connais l’habituel anathème jeté désormais à la face de ceux et celles qui contestent la pertinence des thèses décoloniales : “Facho, raciste, laïcard”. Et que vivent les raccourcis empêchant tout débat ! Envie de vous dire simplement “Venez me le dire en face et on verra !”
Sinon je serai présente dès le retour aux combats classe contre classe. On y verra plus clair. On s’y comptera et le niveau de carnation des manifestant.e.s aussi pendant qu’on y est hein… dans le délire des couleurs de peau qui comptent ses droits et/ ou privilèges…