Sous le signe du petit chaperon rouge dévoré par le loup et du petit poucet face à l’ogre… C’est un très bel essai autobiographique sur « l’emprise » qu’a exercée un écrivain de 50 ans, G.Matzneff, sur une très jeune fille de 13 ans, Vanessa, l’auteure. Écrit finement, avec nuance, délicatesse et authenticité, il se lit comme un roman, et pose, avec pudeur et distanciation, la question de la pédophilie et de sa tolérance dans les années 70/80.
Vanessa a, en effet, été séduite par G. Matzneff alors qu’elle n’avait pas 14 ans ; en véritable prédateur, il est entré dans la spirale de la manipulation et fonce sur sa « proie » fragile et « consentante » (tout le problème est là) Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Vanessa analyse avec beaucoup de lucidité comment « enfant » nombre d’éléments de son environnement la prédisposaient à cette « emprise » : elle est très livrée à elle-même, et découvre brutalement la sexualité des adultes… en particulier lors d’un épisode (qu’on n’inventerait pas !) : son père lui offre le camping-car Barbie (dont toutes les petites filles rêvaient à cette époque), dans lequel elle installe Ken et Barbie puisqu’il y a un lit double… et le père (déjà lui) commente par un « Ça baise ! » destructeur. Le père est un homme « occupé » ailleurs et Vanessa écrit : « les pères sont pour leurs filles des remparts, le mien n’est qu’un courant d’air ». Quand elle rencontre Gabriel Matzneff, Vanessa ne voyait plus son père, et elle écrit « depuis qu’il a disparu je cherche désespérément à accrocher le regard des hommes »… Sa mère laisse faire et ne se pose pas beaucoup de questions, sans doute sans se rendre compte de l’ampleur des dégâts (l’empreinte et la dépression)… tout est dit.
Dans l’emprise et la séduction, Vanessa est amoureuse, reconnue, et aimée : « je suis amoureuse, me sens aimée comme jamais auparavant… cela suffit à suspendre tout jugement sur notre relation ». «Notre histoire était pourtant unique et sublime… une relation qui aurait pu être sublime… son amour est pour moi d’une sincérité au-dessus de tout soupçon ». On peut craindre le pire !!
Vient, ensuite, tardivement, la « déprise » c’est-à-dire la compréhension de la nature pédophile de cette relation notamment quand Vanessa s’aperçoit que, non seulement elle n’est pas la seule proie, mais que Gabriel Matzneff pratique aussi sa perversion auprès de petits garçons . Vanessa décrit avec beaucoup de réflexivité toute l’ambiguïté de la position amoureuse de la victime, qui sous- entend le consentement, contrairement au viol, mais finalement la violence n’est-elle pas la même ? « je suis trompée flouée abandonnée à mon sort et je ne peux m’en prendre qu’à moi ».
Au-delà de l’histoire individuelle, c’est une époque et un milieu qui sont évoqués (dénoncés) où la littérature emporte la morale avec elle : comment, dans ces années 70 où G. Matzneff faisait l’apologie de la pédophilie, (l’utilisation de cette relation pour ses écrits et l’apologie de la pédophilie constituant une double peine, double perversité), depuis « Apostrophes » jusqu’aux « carnets Noirs », n’y eut-il que D. Bombardier pour avoir le courage de s’indigner ?? Excès de libération « il est interdit d’interdire » ??? « il faudrait un environnement culturel et une époque moins complaisants » écrit encore Vanessa. On pense à Polanski, par exemple, aujourd’hui …
La question est posée : qu’est- ce que le consentement en l’occurrence ?
Vanessa Springora, Le Consentement, Editions Grasset, 2020, 216p, 18 euros
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